Chapitre 25 (Anthony)

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Un peu comme un couple ! Non, mais c'est quoi mon problème ? Qu'est-ce qui m'a pris de me fendre d'une réponse pareille ? Je sens poindre aussitôt en moi la panique. Je croise les doigts pour que mon amie n'ait pas entendu ce que je viens de dire. Oui, pourvu que la communication ait été coupée, ou bien qu'il y ait eu un grésillement sur la ligne qui l'ait empêchée d'entendre ça. Je me raccroche à un infime espoir, mais cet infime espoir ne fait pas long feu. Et Jade ne manque pas de relever tout particulièrement le terme qui pose problème :

_ Un couple ? fait-elle ainsi, d'un air étrange que je ne sais pas du tout comment interpréter.

Plus les secondes défilent et plus je me sens tourmenté. Et mon tourment est encore attisé par le fait que Jade est au téléphone, et pas devant moi, de sorte que je ne peux pas me fier à une expression sur son visage ou à une attitude corporelle pour tenter de savoir comment elle a accueilli cette maladresse de ma part. D'ailleurs, est-elle bien sûre que c'est une maladresse ? Oh non, il ne manquerait plus qu'elle prenne ma réponse au pied de la lettre. Qu'elle se dise que je n'ai pas prononcé le mot couple par hasard mais plutôt tout à fait volontairement. Qu'elle pense que je viens de faire un lapsus trahissant un secret que j'aurais gardé pour moi et qui voudrait que j'aime Jade d'amour et pas d'amitié. Si tel est le cas, c'est une catastrophe car cela pourrait remettre en question le lien qui nous unit. Désormais bel et bien paniqué, je tente de réagir, mais je m'exprime une nouvelle fois de travers et voilà qu'au lieu d'arranger les choses je m'empêtre encore davantage dans l'embarras.

_ Non, ce n'est pas ça. On n'est pas en couple. Je le sais bien. On passe beaucoup de temps ensemble comme un couple mais on ne fait pas ce que font les couples, enfin pas tout. Et donc on n'en est pas un...

Je me mords la langue, comme pour m'obliger à me taire. Je regrette ce que je viens de dire parce que je suis conscient que ces paroles se prêtent aux sous-entendus. Une coupure de communication, c'est à cela que je m'en remets une nouvelle fois. Mais le réseau fonctionne à merveille et Jade a encore tout entendu. Avec une naïveté volontairement feinte, elle me demande :

_ Ah oui, et qu'est-ce qu'on ne fait pas exactement ?

Je vois clair dans son petit jeu. Elle s'amuse de me voir mal à l'aise alors elle fait mine de ne pas comprendre pour me mettre plus mal à l'aise encore. Cette fois, je suis bien content que l'on échange au téléphone car au moins elle n'est pas là pour voir le feu me monter aux joues. Je ne sais pas quoi faire de sa question. Non pas que la réponse à y apporter soit compliquée. Elle ne l'est pas. Mais simplement que je suis beaucoup trop pudique pour parler de ce genre de chose au téléphone avec une fille, quand bien même cette fille est celle dont je me sens le plus proche. Sans véritable espoir de pouvoir m'en sortir ainsi, je tente de botter en touche, de répondre sans vraiment répondre :

_ Tu sais très bien de quelles choses je parle. Je ne vais pas te faire un dessin.

_ Je crois que je le sais, en effet, reconnait-elle d'abord.

Un instant, je me crois sorti d'affaire. Mais cette impression n'est en fait qu'une illusion. Et je n'ai pas le temps de pousser un soupir de soulagement que déjà Jade a la mauvaise idée de renchérir. D'une voix qui se fait une fois encore délicieuse, elle ajoute ainsi :

_ Mais, dis-moi, tu ne voudrais quand même pas qu'on fasse ce qu'on ne fait pas ?

_ Évidement que non, qu'est-ce que tu vas chercher ? je commence par dire d'un ton qui se veut catégorique.

Décidément, chacune de ses questions me pousse un peu plus encore dans mes retranchements. Je n'arrive pas à savoir si elle me les pose sérieusement, ou si elle se fiche complètement de moi, et ce depuis le début de cet appel. Je veux croire qu'elle me fait marcher, qu'elle se joue de moi. Qu'il n'y a dans ses questions rien de sérieux. Mais le fait est que je suis complètement perdu et que, comme presque toujours avec elle, je ne suis plus en mesure de dissocier la part du vrai et du faux dans tout ce qu'elle me raconte. J'ai comme un doute, un doute qui me perturbe au plus haut point et que j'éprouve le besoin de chasser. Alors, je me risque à lui retourner sa question :

Anti StarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant