Quatre Cœurs pour Azeroth (World of Warcraft T1, Battle for Azeroth) [APERÇU]

Chapitre 8 : L'Heure du Choix (partie 1/4)

Pour Thalyssra, qui avait vécu toute sa vie dans l'opulence de Suramar, le repas offert par Iraella avait la douceur de la simplicité. L'assortiment de légumes pandarens et de riz était accompagné de viande de chèvre et d'un peu d'arquevin qui venait certainement de Suramar. La Première Arcaniste en avait assez offert à leur hôte et à sa sœur, lorsqu'elles avaient mené l'insurrection de la ville, pour en être sûre. Tandis qu'elle mangeait en savourant cet instant de calme, elle ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil gêné à Sylvanas. Celle-ci s'était attablée avec elles mais, du fait de sa nature, elle n'avalait rien. Elle se contentait de les dévisager en silence, le visage fermé. Pour la première fois, Thalyssra envisagea quelle souffrance devait être la sienne et, par extension, celle des autres Réprouvés. Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'ils soient plus enclins à vivre entre eux. C'était la seule façon pour eux de ne pas se confronter au reste du monde et à ce qu'ils avaient perdu.

Tandis que le repas touchait à sa fin, l'arcaniste se mit à observer le reste de la pièce. Elle était assez grande et servait à la fois d'entrée, de cuisine et de salle à manger. Les fourneaux de cuisson étaient rassemblés dans un coin derrière Thalyssra, directement à droite de l'entrée. Dans le coin opposé se trouvaient plusieurs canapés d'apparence confortable rassemblés autour d'une petite table basse. Ils étaient positionnés près d'un mur ouvert à son extrémité et derrière lequel elle avait pu apercevoir une série de marches en bois montant vers l'étage. Le mur à sa droite était ouvert sur un couloir qui devait donner, supposa Thalyssra, sur une ou plusieurs chambres.

- Je suis désolée de ne pas avoir quelque chose à votre goût, chef de guerre, dit Iraella. Je n'ai pas l'habitude de recevoir des morts-vivants à ma table.

La Dame Noire balaya le problème d'un geste de la main.

- Ne vous tracassez pas pour si peu. Des problèmes bien plus grave requièrent notre attention.

Iraella acquiesça avec un regard neutre.

- Très bien. Expliquez-moi ces problèmes plus graves.

Sylvanas s'avança sur sa chaise et se mit à parler :

- La défaite de la Légion Ardente a laissé la place à un nouveau conflit. L'Alliance veut désormais nous détruire. Ils ont chassé les Réprouvés des terres de Lordaeron et pris ma cité. Quel'thalas se retrouve isolé dans les Royaumes de l'Est.

Iraella serra les dents et son regard s'enflamma.

- Si jamais ils osent toucher à une feuille de Quel'thalas, siffla-t-elle, je ...

- C'est pour ça que j'ai besoin de vous, l'interrompit la chef de guerre. Nous devons en finir avec l'Alliance avant qu'elle ne tourne son appétit vers votre foyer. Lor'Themar m'a parlé du rituel de mémoire. Vous êtes la gardienne de ces terres et de son passé, désormais. Vous ne pouvez pas ignorer leur appel à l'aide.

- Vous parlez de Quel'thalas avec beaucoup de détachement, Sylvanas. Dois-je vous rappeler que ces terres sont aussi les vôtres ?

La Dame Noire inspira profondément.

- Elles ne le sont plus, plus vraiment.

- Oh si, c'est encore chez vous. Et le jour où vous l'accepterez, vous pourrez avancer. Croyez-moi : dans « mort-vivant », il y a certes « mort ». Mais il y a aussi « vivant ».

Sylvanas resta interdite et Iraella reprit d'un ton détaché :

- Quel est votre plan pour conclure cette guerre ?

- Conclure ?

- D'après ce que vous m'avez dit, l'Alliance attaque. Nous savons toutes les deux qu'avec l'épée de Sargeras enfoncée profondément en Silithus, l'heure est très mal choisie pour se faire la guerre. La planète se meurt et il faut la sauver, pas exploiter ses ressources. Alors voilà ma question : quel est votre plan pour conclure ce conflit stérile au plus vite et faire face aux vrais problèmes de ce monde ?

La reine banshee ne répondit pas immédiatement. La magicienne plongea son regard profond dans celui de Sylvanas et le soutint sans broncher.

- À moins qu'il n'y ait quelque chose que vous ne me dites pas ?

Ce fut Thalyssra qui intervint.

- N'êtes-vous pas au courant de la campagne en Orneval ? Nous avons dû repousser les Elfes de la Nuit et leurs lignes d'approvisionnement pour sécuriser notre propre accès à l'azérite.

Iraella ferma les yeux et serra les dents.

- Chef de guerre, dites-moi que vous ne l'avez pas fait ...

La tension était montée d'un cran dans la pièce, elles pouvaient toutes le sentir.

- Dites-moi que ce n'est pas vous qui l'avez brûlé ...

Sylvanas ne répondit pas tout de suite.

- Il fallait mettre fin à leur résistance, soupira-t-elle enfin.

- Vous aviez déjà gagné.

- Pour une personne isolée de tout, vous me paraissez bien au courant de la situation du monde.

- Je me tiens au courant, oui. Et ce que j'ai entendu m'a brisé le cœur !

- Pourquoi faire semblant d'ignorer la situation, alors ?

- Je voulais l'entendre de votre bouche, chef de guerre ! Je voulais entendre votre justification !

- Les Kaldoreis sont nos ennemis, Iraella !

- Il y a une différence entre des soldats et des civils ! Occuper l'arbre et garder la population en otage aurait pu offrir bien des possibilités !

- C'était la seule manière de les briser !

- C'est faux et vous le savez !

Durant toute l'altercation, Thalyssra n'avait pas fait un mouvement. Sylvanas lui avait demandé de l'accompagner mais de toute évidence, ce ne serait pas suffisant. En voyant le regard haineux d'Iraella, la Première Arcaniste se prit à craindre pour sa vie pour la première fois. Elle recula subrepticement sur sa chaise. Iraella, de son côté, fit lentement apparaître une boule de feu entre ses doigts et la fit tournoyer.

- Vous saviez que je n'approuverais pas un tel massacre, Dame Noire. Vous savez ce que je pense du chemin que vous empruntez.

- Oh oui, je le sais. Cela fait depuis l'avènement d'Aile-de-Mort et la campagne de Gilnéas que vous m'assommez de vos remarques sur mes choix. Mais au cas où vous ne l'auriez pas compris, Iraella Hautdestin, je ne suis pas maitresse de mon destin !

- Bien sûr que si ! Vous pouvez chercher une autre voie ! Ne vous condamnez pas pour l'éternité !

Sylvanas se leva brusquement, enragée.

- Je suis déjà condamnée ! Si vous connaissiez toute la vérité, vous ne continueriez pas à contredire chacun de mes actes !

- Alors pourquoi êtes-vous venue ? Vous saviez que c'était peine perdue, vous saviez que ça recommencerait comme à Tornheim et à Gilnéas, alors pourquoi êtes-vous venue ?

La magicienne était debout elle aussi et son corps était recouvert par les flammes à un point tel qu'il ressemblait à un brasier vivant.

- Vous saviez que je refuserai ! Pourquoi êtes-vous venue, Sylvanas ?!

- Parce que je n'ai plus que vous !

***

A suivre ...