Les mains dans les poches de son manteau noir, la tête enfoncée dans les épaules, Jonathan marchait entre les tombes disséminées un peu partout sur la pelouse verte après avoir rendu visite à Gillian, sa mère. Depuis qu'il avait pris l'initiative de reprendre ses séances avec sa psychologue Gabriella, suite à une crise de colère qui avait failli le conduire tout droit en prison, Jonathan était on ne peut plus enclin à parler à sa mère à cœur ouvert. Ses visites au cimetière s'étaient faites plus fréquentes quand il s'était aperçu qu'il en repartait soulagé, quelque peu apaisé. Certaines fois, il lui arrivait de ne pas parler. Il s'asseyait simplement contre sa pierre tombale et se souvenait. Il se souvenait des bons moments qu'ils avaient pu passer ensemble et qu'il aurait voulu partager avec elle.
Aujourd'hui, c'était différent. Aujourd'hui il avait abordé un sujet sensible qu'il n'avait jamais osé aborder avec elle. Pour la toute première fois depuis qu'il avait fait la paix avec sa mère, il lui avait parlé de Marjorie. Après deux ans à essayer de se convaincre qu'il détestait plus que tout cette femme, à sa mère, il n'avait pas pu lui mentir et lui avait avoué aimer la jeune femme d'un amour douloureux jusqu'à ce jour.Puis, il était parti de là, le moral dans les chaussettes et avait erré dans le cimetière en tentant tant bien que mal de refouler l'envie de retourner dans son ancien appartement où il n'avait plus jamais remis un pied après l'avoir mis à sac. Cet endroit lui rappelait trop de souvenirs avec Marjorie. Il ne s'était plus vu vivre là-bas sans elle.
Jonathan souffla en frottant ses mains l'une contre l'autre, le regard perdu sur le sol. Il donna un petit coup de pied dans un caillou qu'il balança au loin quand un rire se fit entendre, le stoppant net dans sa marche.
Il releva la tête follement, sûr d'avoir reconnu cet éclat de rire qu'il n'était jamais parvenu à oublier.
Le cœur au bord de l'implosion, il se laissa guider par ce son qui ne manqua pas de lui rappeler les sensations inouïes qu'avait pu lui faire ressentir Marjorie. Quand enfin, il l'aperçut, son palpitant rata plus d'un battement et la colère, longtemps contrôlée, refoulée et enfouie au plus profond de lui, succéda au calme olympien dont il avait su faire preuve jusqu'à aujourd'hui. Après deux années à penser à elle et à se demander où elle était passée, il la retrouvait enfin, assise dans ce grand cimetière, plus belle que jamais et tenant dans ses bras une... une fillette ?Jonathan dû s'y reprendre à deux fois avant de pouvoir l'approcher, le temps de calmer la tempête maintenant bien agitée au fond de lui. Il se racla la gorge, revêtit le masque impassible dont il s'était accaparé tel un caméléon et avait su camoufler chacune de ses émotions, adoptant la contenance digne du PDG sans pitié qu'il incarnait désormais.
Furtivement, il arriva derrière elle, admirant sa chevelure flamboyante qui avait gardé la même longueur. Attachée à la base de sa nuque, sa queue de cheval se balançait tout doucement au rythme de ses mouvements.
À deux pas de son corps joliment mis en valeur par cette petite robe jaune canari qui fit se tendre son sexe dans son pantalon, il ouvrit la bouche et, d'une voix grave, prononça simplement son prénom.— Marjorie.
Il résonna dans ses oreilles comme le glas annonçant la fin des mensonges et du moment de répit qu'elle s'était offerte pour oublier cet homme. Visiblement et une fois de plus, l'univers s'arrangeait pour les faire se rencontrer à nouveau même après autant d'années.
Elle tourna son joli visage vers lui et leurs regards se croisèrent.
Jonathan serra les poings en découvrant ses magnifiques yeux bleus enjolivés par une frange qu'elle portait merveilleusement bien et qui lui tombait sur les paupières, apportant de la candeur à ses traits si délicats qu'il n'avait jamais pu oublier.Troublée, elle se releva lentement, son bébé dans les bras qui regardait Jonathan avec beaucoup de curiosité. Le regard également bleu et profond de la petite fille finit par attirer son attention. Il délaissa Marjorie et se concentra sur l'adorable bébé qui semblait bouder dans les bras de sa maman. Jonathan connaissait ce visage sur le bout des doigts. Elle ressemblait comme deux gouttes d'eau et trait pour trait à sa mère, Gillian. La même couleur de cheveux, les même yeux, le même nez et la même bouche. C'était son portrait craché.
Quelque chose au fond de lui se bouscula quand il réalisa qu'elle ne pouvait être que sa fille. Il était père, c'était indéniable. Comment expliquer cette ressemblance flagrante avec sa mère sinon ?
Son regard changea. Il s'adoucit pour ne pas avoir à effrayer la petite qui s'accrochait comme un petit singe à la robe de Marjorie. Elle n'arrêtait pas de regarder Jonathan de ses grands yeux bleus comme si elle cherchait à savoir, à comprendre pourquoi cet homme la dévisageait presque de cette manière.Jonathan fit un pas vers elle, les bras semi tendu dans l'intention de lui prendre le bébé des bras mais Marjorie recula. Elle entoura un bras protecteur autour de sa fille, réprimant tant bien que mal la douleur et les larmes. Le revoir en de telles circonstances sans y être préparé ne pouvait que lui rappeler leur douloureuse rupture.
— Qui est-ce ? Osa t-il demander bien qu'il eût déjà la réponse.
— Elle s'appelle Charlotte.
— Donne la moi.
— Elle va pleurer Jonathan.
Il serra les poings, énervé. Comment avait-il pu ne pas voir l'évidence qui se montrait à lui ? Il y a deux ans de cela, elle avait tout simplement essayé de lui dire qu'elle était enceinte et qu'elle portait leur enfant, le fruit de leur amour.
— Tu m'expliques ce que ça veut dire.
— Il n'y a rien à expliquer. Au revoir Jonathan.
Et sans plus donner d'explications, elle s'enfuit comme une voleuse. Jonathan l'observa s'éloigner, impassible, en songeant déjà à la façon dont il pourrait la récupérer et lui faire payer le fait de l'avoir abandonné.
Un sourire en coin étira ses belles lèvres quand quelque chose dans l'herbe attira son attention. Dans sa précipitation, Marjorie avait oublié son sac à main. Il se baissa et le ramassa, acquérant déjà là, les pleins pouvoirs qu'il pourrait et se languissait d'utiliser contre elle. Un rapide coup d'œil à l'intérieur lui donna ce qu'il avait espéré trouver comme contenu. Passeports et billets d'avion se dévoilèrent à lui, faisant la joie de Jonathan qui, à son tour, quitta le cimetière, toutes mauvaises humeurs envolées.Aujourd'hui, il avait retrouvé non pas un joyau mais deux et il ne comptait certainement pas les laisser s'en aller loin de lui à nouveau.
— La vengeance est un plat qui se mange chaud Marjorie... délicieusement brûlant. Je t'aurais, sois en sûr que je t'aurais encore.
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Jonathan
RomansTOME 2 de Marjorie Deux ans ont passé depuis que Jonathan est parti de chez lui sans accorder un seul regard à la seule femme qui n'ait jamais vraiment compté dans sa vie. Blessé, il a coupé les ponts avec ses proches et ne vit plus que pour son tr...