Chapter 50 (Dévya)

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Jour-10.

Le retour à l'appartement s'est fait dans un silence pesant. Je suppose que chacun d'entre nous ne voulait pas mettre fin à ce week end parfait. D'ailleurs, nous profitons du calme du retour pour charger tranquillement nos affaires dans les armoires. Je récupère le linge sale et lance la machine à laver, un peu distraite. Les jours sont désormais comptés et je ne sais pas encore comment notre relation va évoluer avec Zaren. En réalité, nous n'en avons même pas évoqué le sujet, même s'il serait peut-être temps. Le week end a permis de remettre les choses en place entre nous et même si notre relation ne sera jamais simple, au moins elle a le don d'être unique. Vers 15h, la maison est silencieuse. Assise sur le canapé, un livre de Stephen King sur les genoux, je regarde avec un sourire les trois hommes qui sont allongés négligemment sur le sofa. Ils ont fait des parties de jeux vidéo et ont finis par s'endormir comme des masses. Le trajet a été fatal pour tout le monde je crois. Même Anélia avait l'air épuisée lorsque nous l'avons déposé chez elle. Habilement, je saisie la télécommande de l'écran géant et éteins l'écran. L'appartement se plonge dans le noir. J'estime qu'il est temps pour moi aussi de faire une petite somme.

Un peu plus tard, la routine reprend le dessus. J'ai été faire les courses avec Nalan pour racheter quelques bricoles en attendant que les autres garçons fassent leur sport.

— Tu crois vraiment que je finirai par trouver une femme Dév ?

La question de Nalan me surprend. Arrêtés au feu rouge, c'est la première fois qu'il me parle depuis que nous avons démarré. Au départ, sa question me semble être juste là pour combler le vide, mais lorsque je vois l'expression sérieuse de son visage, je change ma réponse.

—Tu es quelqu'un de bien Nalan. Evidemment, tu vas trouver.

Je hausse les épaules comme si c'était une évidence. Un rapide coup d'œil à mon voisin me prouve qu'il est tourmenté.

— Pourquoi cette question ?

Nalan a toujours été le genre de garçon qui ne se prend jamais au sérieux. Il est toujours dans la déconnade. Le voir si défait de ce rôle-là est vraiment perturbant.

— Je ne sais pas... En fait, j'ai l'impression que personne ne me prend jamais au sérieux lorsque je dis que j'aimerai avoir une relation sérieuse. Toutes les filles ne veulent que du cul avec moi et en grandissant, je me rends compte que ce n'est plus ce que je recherche. En vous voyant tous en couple, je me dis que j'aimerai vivre ce que vous vivez, ça a l'air si intense de pouvoir faire confiance à une personne et de tout lui donner.

La confession de Nalan me bouleverse. Je l'ai toujours adoré, c'est un fait, mais je ne pensais pas que ce genre de détails le tourmentaient. Lui aussi a envie d'avoir une épaule sur laquelle se reposer et il le mérite amplement.

— Tu sais que le temps est essentiel dans la vie. Tu rencontres des tonnes de personnes mais c'est à toi de trouver celle qui te feras un déclic.

Nalan hoche la tête et cligne des yeux pour effacer une larme qui s'amasse sous ses paupières. Malgré la conduite, je pose une main réconfortante sur son avant-bras. Il me remercie de mon geste avec un sourire amer et reprend calmement :

— J'ai perdu ma mère l'année dernière.

Je resserre d'avantage ma prise autour de son bras en attendant qu'il poursuive. Nalan a l'air d'avoir besoin de se confier et je suis totalement disponible à l'écouter s'il en a besoin.

— Elle a eu une tumeur au cerveau qui l'a emporté en deux mois seulement.

La voix de Nalan déraille. Il s'essuie les yeux et fixe la route sans grande conviction.

— C'était si rapide que je n'ai même pas eu le temps de vraiment m'y préparer.

Il souffle un grand coup en même temps que j'efface une larme qui coule sur ma joue. Son histoire me touche au plus profond de moi. Je ne pensais pas qu'il avait vécu ce drame.

— Je n'ai jamais connu mon père. Ma mère a été la seule femme de ma vie. Nous étions si proches que je laissais mes amis pour me consacrer à elle. Nous passions tout notre temps ensemble, un peu comme des meilleurs amis.

Nalan sourit à l'évocation de ce souvenir lointain. Mon cœur s'enveloppe d'un voile de douceur en découvrant cet aspect de sa personnalité si touchante.

— Quand on a appris la nouvelle, mon monde s'est écroulé. Je n'avais plus de repères. Nous avons profité des derniers instants tout en sachant que tout pouvait se finir d'une seconde à l'autre. C'est pour cette raison que nous ne sommes jamais vraiment préparés à perdre quelqu'un, peu importe la nature de la relation avec cette personne.

De nouveau, le feu est au rouge. Malgré les lumières de la ville et les feux des phares des voitures, j'ai l'impression que le temps s'est arrêté. La circulation est en stand baille. Toute mon attention se retrouve emprisonnée par l'histoire du blondinet dont je ne soupçonnais pas l'existence.

— Nous étions ensemble lorsqu'elle s'est mise à se sentir mal. Nous savions que c'était ce jour où nos chemins allaient se séparer. L'ambulance, les cris dans l'hôpital, tout est encore gravé dans ma mémoire. Et c'est là que je l'ai vu. Allongée dans le brancard, le teint pâle, le visage creusé, il était temps pour moi de lui dire en revoir.

Je regarde avec tristesse le visage humide de Nalan. Raviver cette douleur ne doit pas être évident et pourtant, il le fait. Il est bien plus courageux qu'il n'y parait.

— Tu sais quels ont été ses derniers mots ?

Je secoue la tête, un peu perdue qu'il stoppe son histoire pour me demander mon avis.

— Elle m'a dit mot pour mot : « Promets-moi de trouver une femme qui te rendra aussi heureux que moi ».

Je suis forcée de tourner mon visage vers la fenêtre pour qu'il ne voit pas mes yeux dont les vaisseaux sont si rouges qu'ils paraissent irréalistes. J'ai toujours été du genre sensible, mais son histoire est si touchante qu'elle me rappelle quelque peu celle de Zaren. Ce sont deux garçons, qui, par leurs histoires, se sont rapprochés et sont devenus des personnes honorables.

— J'aimerais honorer sa mémoire Dév. J'en ai le devoir.

Les yeux noisette de Nalan se plantent dans les miens. Nous nous observons sans rien dire. Nos larmes parlent pour nous.

— Je peux t'assurer que ta maman, de là où elle se trouve, est très fière de l'homme que tu es devenu. Et je sais qu'un jour, tu rencontreras cette femme unique et que tu seras le plus heureux des hommes.

Ce moment entre nous est similaire à celui d'une scène de film. La seule différence est que ce rapprochement est sincère. Rien n'est inventé. Nalan me remercie silencieusement, tandis que nous poursuivons le trajet sans bruit. Malgré tout, sa confession m'a rapproché de lui et vient de me confirmer qu'il est un garçon en or. J'espère de tout cœur que son souhait va se réaliser, il le mérite tellement.

Ice and Fire 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant