My Last Game [ Tome 3 ]

5- Maléfique

Solar

Ça me fait bizarre de tout recommencer humainement quelque part. Non pas que je ne sais pas ce que c'est que d'être seule. Au contraire, je préfère ça à la compagnie hypocrite et vicieuse de certaines personnes mais rencontrer Yeri m'a fait tomber mes défenses.
Cette fille est une boule d'énergie qui vous rend accro.

Je suis installée dans le salon depuis tout à l'heure avec l'envie d'étriper les deux prétentieuses qui comparent leurs cibles masculines à venir. Tout un programme... Mais elles n'ont plus de batterie sur leurs téléphones et commencent à chercher leur chargeur. Sauf qu'il est sous mes fesses. Bien ancrées dans ce fauteuil. Et je jubile de les voir tourner en rond.

Des bruits de clés se font entendre. Yeri pénètrent dans la villa en compagnie de Changbin qui a réussi à évincer Hyunjin de sa quête. Mon coeur fait un loupé comme à chaque fois que je croise son regard. J'ai l'impression d'avoir un shoot d'adrénaline en plein coeur. 

— Coucou mon coeur, dit l'aîné de la famille Seo en se penchant pour m'embrasser.

Je perds aussitôt le fil de mes pensées pour ne visualiser que son doux visage mais je n'ai pas le temps de m'habituer à ses lèvres qu'une petite chose le pousse.

— Vire, je veux embrasser ma copine moi aussi.

Dans une connivence bon enfant, j'attrape le tissu au niveau du col de mon amie et l'attire vers moi pour que nos lèvres se touchent. Yeri frissonne, mal à l'aise mais ne le montre pas à son frère. L'objectif est atteint. Notre Hulk voit rouge. Et j'adore quand il joue le possessif. Enfin, techniquement, il ne joue pas. Il l'est, le vit, le revendique.

— D'où t'embrasse ma meuf, p'tit monstre. Oust. Dégage, elle est à moi. Et garde tes microbes pour Hyunjin.

Ni une, ni deux, l'incroyable Monsieur Muscle m'attrape au niveau du dos et sous les cuisses pour me soulever mais observe la chose qui se détache de mon corps.

— Il sort d'où ce câble ?

— Oh la pu... S'écrit Joy.

En temps normal, je devrais affronter une tempête mais le regard terrifiant de Changbin décourage la reine des garces de poursuivre son mot et le combat.

— Je le cherchais partout, Changbin. Comprends-moi, s'évertue à se défendre celle qui a un mascara à la place du cerveau.

— Rien à foutre. Range mieux tes affaires la prochaine fois. Tu ne t'en prends pas à elle.

— Oui, j'y penserai.

Cette fille respire le mensonge et l'hypocrisie mais cela me donne une bonne raison de lui cacher ses biens à longueur de temps. C'est ça quand on étale sa richesse dans les lieux censés être communs et qu'on ne range rien. Techniquement, elle a ses AirPods dans la boîte à sucre, chose qu'elle ne touche jamais par peur de prendre un gramme. Sa brosse à cheveux est positionnée à côté de la brosse des toilettes, zone qu'elle ne regarde jamais car elle se considère au-dessus du lot pour nettoyer les sanitaires. Et j'en passe. J'ai créé un petit jeu de piste pour notre Joy, l'exploratrice de corps humains.

Pour mettre le plus de distance possible avec cette situation tendue, Binnie nous entraîne à l'étage. Une fois devant la porte, je sors la clé cachée dans mon soutien-gorge et déverrouille.

— Je ne comprends pas pourquoi tu la fermes à clé. Cette villa est sécurisée.

— J'ai mes raisons.

Il ne se doute pas de la guerre froide qui se déroule ici. Les deux cruches ne sont pas dupes mais n'ont juste pas trouvé qui était l'auteur des méfaits. Un coup de ciseaux dans une robe qui traine, des talons qui se décollent bizarrement, et le hasard devient prémédité. Elles ciblent tout le monde et tirent à balles réelles.

— Ok. Tu m'en parles si ça craint trop?

— A vos ordres, Monsieur Binnie.

Son pied repousse le battant de la porte qui se ferme puis il me dépose sur le lit, zone confortable quand je suis seule mais de danger quand il est avec moi. C'est indépendant de ma volonté. Mon corps se crispe, comme paralysé par un fait ancien. Pour lui, toute approche est semblable à un parcours du combattant.

Mais Binnie sait ce que j'ai vécu et ne se braque pas devant mon énième crise de panique. Au contraire, il se positionne à mes côtés, face à moi et embrasse le bout de mon nez.

— Tu es belle.

— Hum.

— Intelligente.

— Continue.

— Terriblement terrifiante.

— J'adore.

— Machiavélique.

— Là, tu me fais frissonner.

J'ai toujours adoré le personnage de Maléfique. Les méchants cachent toujours un passé compliqué car on ne connait bien souvent qu'une seule partie de l'histoire.

Sa bouche glisse maintenant sur la mienne pour entamer un va-et-vient langoureux. Je voudrais tellement aller plus loin mais je n'y arrive pas. Mes bras ne se lèvent pas. Mes jambes sont aussi raides que des baguettes alors que j'aimerais l'attirer contre moi, le chevaucher.
Mais je suis une putain de machine cassée.

— Ok?

— Ok, je lui réponds pour lui assurer que mon esprit est toujours ravi de sa présence.

Changbin a appris à analyser différemment mes réactions corporelles. Je ne crois pas qu'un autre mec aurait eu une telle patience avec moi. Mon partenaire trouve des astuces pour s'assurer de mon consentement en prenant en compte le fait que mon avis oscille sans cesse.

— Tu m'as manqué...

— On s'est vus hier.

— Chaque seconde que je ne passe pas avec toi, tu me manques, Solar.

— Trop mignon. Mais c'est non si ça ressemble à une demande en mariage. Ta soeur l'a déjà fait.

Il bascule sur le dos et attire ma tête contre son torse. Ses doigts commencent à jouer entre mes mèches pour me détendre.

— Je ne me vois pas le faire à la va-vite comme Yeri. Si ça doit se passer, je rencontrerai ton père. Je te ferai une demande digne de ce nom et t'offrirai le plus beau mariage.

— Binnie Le romantique. Ça me plaît.

— Ça va avec le Binnie possessif et un petit peu jaloux sur les bords.

— Rien qu'un petit peu?

Je le taquine en pointant mon doigt sur ses pectoraux puis réalise la chose. Il attire ma main pour qu'elle se plaque et englobe cette partie de son corps.

— On prendra le temps qu'il faudra, je te l'ai dit, me rassure-t-il.

— Je sais mais...

— Mais rien du tout. Arrête de penser que je suis en manque ou quoique ce soit. Je n'ai besoin que de toi et ta présence me suffit.

Ses mots me rassurent même si je ne peux m'empêcher de penser que Changbin est un garçon comme les autres qui a des besoins. Jusqu'à quand parviendra-t-il à les canaliser?