My Last Game [ Tome 3 ]

57- Quand les adultes s'en mêlent...

Yeri

La situation est plus que tendue dans la voiture. Chacun oeuvre en silence sur son téléphone, sauf moi. Hyunjin ne m'a toujours pas contactée. Ça ne lui ressemble pas d'ignorer un appel à l'aide alors que je lui ai annoncé le plan de Solar contre Taeju dans les grandes lignes.

— Avancez vers la Mercedes grise, Madame Seo, nous indique Jeongin.

Nous y apercevons deux silhouettes en costume hors de prix, patientant devant la grille de la villa du député. Je ne savais pas que d'autres personnes espéraient un entretien avec le géniteur du monstre de Séoul.

— Je me demande qui fait le pied de grue à cette heure-ci. En plus ils n'ont pas l'air commode.

— Ce sont mes parents, me répond Jeongin.

Les mots me manquent pour décrire la gêne qui m'accable. Voilà deux ans que je côtoie Jeongin et c'est bien la première fois que je les aperçois. J'avais commencé à croire qu'ils étaient un mythe, tant ils ne s'occupent pas de leur fils. Comme si une carte gold pouvait remplacer l'amour d'un foyer.
Une fois garée, ma mère les salue maladroitement. Il faut dire qu'elle n'a pas pris le temps de s'habiller pour une soirée mondaine comme laissent à penser les tenues de nos invités de dernière minute.

— Bonsoir. Je suis Madame Seo, la mère de Yeri. 

Je pense qu'un lampadaire aurait plus de réaction que ces deux individus pour une présentation. Je sais maintenant d'où Jeongin tient sa joie de vivre. 

— Monsieur Yang. Et voici ma femme. Nous sommes les responsables légaux et moraux de Yang Jeongin, dit-il en se retournant ensuite vers son fils. Fils, tu peux attester de notre présence comme tu l'as exigé. 

Je cherche du regard ma mère qui me confirme qu'elle a bien entendu le verbe qu'il a employé. Dans ma courte vie, je crois avoir exigé une seule fois la paix avec mon frère et il a fini torse nu dans ma chambre à jouer du tam-tam avec son ventre.
Nous n'avons définitivement pas la même vie.

— Avez-vous pris connaissance des pièces à conviction? Demande-t-il à ses parents.

— Oui. Ce sera un jeu d'enfant, lui répond sa mère. Notre petit amusement de la soirée avant le début du grand procès pour corruption des services publics.

Il me semble que la seule chose que je ferai demain est de rempoter mon cactus.

— Père, mère. Voici Kang Seulgi, ma petite-amie qui deviendra ma fiancée dans huit mois et deux semaines. 

Ma salive passe dans le mauvais trou. J'essaie de m'étouffer discrètement et décéder dans un silence vertueux mais heureusement que le visage blême de Seulgi captive l'attention de l'assistance.

— Bonsoir, parvient-elle à murmurer.

— Enchantée, mademoiselle, dit la mère. Nous vous recevrons pour un dîner familial lorsque tout cela sera officiel. En attendant, sonnons à la porte pour présenter notre requête au député Ho. 

Les deux costumes noirs nous ouvrent la voie et sonne au portillon. En tentant d'être discrète, ma mère me fait des signes visuels pour partager notre ressenti sur ces phénomènes. Il est difficile de ne pas éclater de rire lorsqu'elle imite le derrière serré. Toute ma compassion va à Seulgi qui a peut-être hérité de la pire belle-mère.

Les deux avocats sonnent une seconde fois puis affichent un air déterminé lorsque le visage d'un homme âgé de la soixantaine apparaît, peu ravi du ramdam qui a lieu devant sa demeure. Voici donc celui qui représente le peuple mais passe sous silence les frasques de son fils.

Les professionnels ne perdent pas de temps et exposent les raisons de notre présence. La situation est explicitée, les preuves à travers les vidéos mentionnées, puis vient la proposition que nous ne nommerons pas chantage. Le visage du député se décompose de seconde en seconde. 

— Je n'accepterai jamais cela! 

— Bien. C'est votre décision et votre droit. Notre équipe se rend immédiatement dans trois offices de journaux qui publieront les vidéos sur leur site et les informations dans le journal de demain. Puis comptez sur nous pour enchaîner avec une plainte. Le premier viol est reconnu par votre fils lui-même et nous avons la deuxième tentative filmée.  

— Je vais tous vous faire arrêter.

— Faites donc. Ce sera simplement une perte de temps. Le vôtre. Nos collègues sont en route. Ils n'attendent plus qu'un appel. 

J'ai envie de prendre du pop-corn et de m'asseoir. C'est mieux qu'une série Netflix. D'un hochement de tête, Monsieur Yang indique à la troupe qu'il est l'heure de dégager. J'en conclus que notre plan a échoué.

— Attendez! Prononce le vieil homme par dépit.

— Vous avez entendu nos conditions. Obligation de soin pour votre fils, destruction des vidéos prises à l'insu des jeunes gens mentionnés, versement de ladite somme pour l'association des victimes d'attouchement. Et puisque vous avez refusé l'offre la première fois, je rajoute trois zéros au montant exigé. 

Vu l'état de décomposition de l'élu, je n'ose pas imaginer à combien tout cela s'élève. 

— Il lui sera impossible d'approcher les personnes susnommées, ce qui implique un départ de cette université. Et nous lui conseillons d'oublier les tentatives d'intimidation par un tiers. Pour le bien de la population, des études à domicile sont imposées. En cas de transgression d'une des règles, tout le dossier sera transmis à la presse avec mention du fait que vous étiez au courant de tout depuis le départ. Si d'autres victimes venaient à se faire connaître, à partir de ce jour, l'accord devient également caduque. 

Le vieil homme ne fait que hocher la tête. 

— Euh... S'il vous plait! J'interviens timidement en levant le doigt. Et ma voiture?

— Quelle voiture? M'interrogent les adultes.

— Taeju s'est amusé à me l'enlever le jour de la rentrée. Je n'ai aucune idée de ce qu'il en a fait et...

— Nous ajoutons au contrat le règlement de deux véhicules de son choix à Madame Hwang Yeri, avec aucune limite de montant en dédommagement du préjudice moral.

Noël arrive avant l'heure. Je profite rapidement de cette annonce avant de sentir les pincements de ma mère, peu ravie de cette énième cachotterie.

— Papa! Papa! Hurle une voix derrière nous. 

Nous découvrons avec stupeur le tristement célèbre Ho Taeju, capitaine de l'équipe de football du campus, le cul à l'air, courant vers nous. Il est accompagné de deux silhouettes que je reconnais peu à peu.

— Seungmin?