My Last Game [ Tome 3 ]

48- Le bavard

Yeri

Les semaines passent sans que mon dispositif de sécurité ne s'allège. Chaque jour, j'observe Jennie s'étonner qu'une voiture différente me ramène à la villa, à défaut de pouvoir le faire avec mon propre véhicule.
Mes entraînements sportifs sont le moment que je redoute le plus. Je sens la présence de ces prédateurs, à l'affût de la moindre erreur que je pourrais faire. Je ne me change jamais dans les vestiaires. Je ne m'éclipse jamais seule pour boire à la fontaine. Je tente toujours de déambuler aux yeux de tous. Mais cette attitude préventive me fait remarquer que je ne suis pas la seule dans ce cas-là. Jennie a également un comportement étrange. Ses yeux ne quittent jamais les silhouettes des footballeurs, comme si elle s'appliquait à les éviter.

— C'est moi ou tu les apprécies peu? Lui dis-je pour tenter de comprendre si je me fais des idées.

— La vie est compliquée, Yeri.

Sa réponse va de pair avec le personnage qu'elle représente. J'ai beau passé mes journées avec elle, je ne connais que très peu cette fille. Elle a passé son enfance à Songpa mais je n'ai aucune idée d'où elle vit, si elle a des frères et soeurs, ce qu'elle aime. Elle est un mystère, pour moi. La seule chose qu'elle partage sont ses incessantes invitations aux soirées.

— Je suppose que si je te propose la soirée chez Mina, tu ne viendras pas?

— Je n'ai pas envie de les croiser. Les footballeurs se rendent toujours aux soirées universitaires donc ce sera sans moi.

— Tu rates quelque chose. On a prévu de s'éclater d'abord sur Gangnam. Ne manque pas cette occasion.

Comme si le fait de tirer sur ma manche allait changer quelque chose, Jennie ne cesse de me promettre monts et merveilles sous fond d'alcool pour que je cède à ses avances mais j'ai retenu la leçon. Si je dois m'amuser, ce sera en compagnie d'une des personnes de confiance de mon clan. La crainte de revivre mon semblant de kidnapping à Incheon m'effraie toujours autant.

— Amuse-toi bien mais surtout fais attention à toi.

La coach siffle la fin de l'entraînement et je m'empresse de récupérer mes affaires pour traverser le terrain avant que plus aucune cheerleader n'y soit. Cela fait jubiler Joy de souligner mon manque d'hygiène après nos séances épuisantes mais je ne m'attarde pas sur ses ragots.

En avançant vers le véhicule, j'y trouve Felix et non Changbin à l'intérieur, ce qui est assez curieux.

— Mon frère a fait de la chirurgie esthétique pour paraître moins moche?

— Tu m'as toujours trouvé beau, pas la peine de me le répéter, p'tit monstre.

Quel agréable surnom amical. Felix a enfin renoncé à utiliser l'appellation du petit gallinacé pour l'ancien qui me convient beaucoup plus. La monstruosité a un goût attendrissant dans la bouche de mes proches. Je soupçonne que cette décontraction que le blondinet affiche a un lien avec ses rendez-vous nocturnes.

— Les mecs veulent faire un bowling ce soir. Ça te tente?

— D'où sort cette envie?

— Minho est fatigué de ses soirées avec sa main droite.

— Ah. Dans ce cas, il nous faut sauver le soldat Lee en lui trouvant une gentille copine qui aura de jolis petits doigts.

— Figure-toi qu'il est tellement motivé à faire des rencontres qu'il a passé trois jours à arpenter la bibliothèque de long en large dans le rayon érotique, puis deux après-midi dans les parcs. Une mère de famille a appelé la police pour "présence d'une personne suspecte à proximité des gosses". 

Je me retiens de rire car il faut que je montre un minimum de soutien à mon ancien fiancé. 

— Comment peut-il penser que le bowling serait le lieu idéal pour une rencontre? A moins d'enfiler par erreur la pantoufle de Cendrillon au lieu des immondes chaussures qu'on nous file ?

Nous sommes à la moitié du chemin et je sens que mon pilote gigote sur son siège comme s'il hésitait à aborder un sujet épineux.

— Au fait... Je voulais te remercier, commence-t-il. Tu m'as donné un coup de pied au cul quand j'en avais besoin et ça m'a permis de m'ouvrir à elle. 

C'est donc cela. Son histoire avec cette fille mystérieuse avance, pour mon plus grand plaisir. Je suis soulagée au fond de moi de ne ressentir aucune animosité ni jalousie. Cette histoire avec Felix est derrière moi.  

— Tu me la présenteras quand tu seras prêt?

— Oui. J'attends que ce soit officiel. Pour l'instant, on ne fait que baiser en mode sex-friends mais je veux plus. 

Je ne m'attendais pas à ce que nous allions sur le terrain du sexe mais pourquoi pas.

— Tu peux me dire si j'étais un bon coup quand on s'envoyait en l'air?

Mon étouffement ne semble pas l'inquiéter alors que je me sens changer de couleurs.

— Je... Oui, ça allait. Mais pourquoi est ce que tu me demandes ça?

— Quelle était ta position préférée? Celle où je te donnais le plus de plaisir.  

— Non mais tu t'entends? On va se mettre d'accord. Nous sommes peut-être des amis mais il n'est pas question que l'on parle de nos expériences sexuelles, présentes ou passées.

— Pourtant, ça ne gêne pas Hyunjin ou les autres. 

— Pardon? Hyunjin te parle de nos ébats?

— Rarement des vôtres mais quelques fois de ses anciennes conquêtes.

Je plonge ma main dans mon sac et tente de fouiller parmi mon portefeuille, ma trousse à maquillage, ma pochette contenant des médicaments de secours, mon précieux shocker. Il est temps qu'il me serve enfin à quelque chose. Je vais pouvoir déterminer si le mode normal a assez de puissance pour mettre hors d'état de nuire un individu qui aurait une grande bouche.

— Et que dit-il, précisément ?

— Pourquoi est ce que je sens que ça va mal tourner? Grimace Felix.