My Last Game [ Tome 3 ]

4- Celui qui vous veut du bien

Yeri

J'ai horreur des contacts corporels quand je ne partage aucun lien avec la personne. Un courant électrique me frappe à chaque seconde pour me rappeler de mettre le plus de distance entre cet individu et moi. Et là, je suis clairement en train de saturer de douleurs.

— Lâche-moi.

— Pourquoi ?

— Parce que je te le demande et que ce n'est pas convenable. On ne se connait pas donc tu n'as pas à me toucher.

— En plus d'être nerveuse, tu es prude?

Comment oses-t-il me dresser un portrait aussi peu flatteur alors qu'il se comporte avec une arrogance détestable depuis le début ?

— Je suis ce que je suis et toi, bats les pattes.

— Okay mais avance plus vite, p'tit cul.

Cette remarque sur mon physique me laisse au dépourvu. Je manque une respiration sur quatre à l'idée qu'il ait pris le temps de détailler mon corps.

— Donc là, tu as le premier gymnase. En fonction des horaires, tu peux y trouver l'équipe de basket ou de handball. On ne s'y rend quasiment jamais, tu comprends un peu pourquoi.

J'observe le sol en béton et les installations laissant un peu à désirer.
Au moment où je cherche mon guide du regard, je me rends compte qu'il m'a déjà distancée et m'oblige à trottiner pour le rejoindre. Ce type impose une véritable allure militaire.

— De ce côté, le premier vestiaire. Puis on arrive au dojo consacré aux arts martiaux. Il y a aussi deux salles de danse pour le moderne et l'orientale. Tu as choisi quelle option?

— Je te demande pardon?

— Ta spécialité ? Tu suis ce que je te dis?

Vaguement puisque je suis surtout déstabilisée par sa tête de prétentieux.

— Je ne me suis pas encore décidée.

Pour ne pas changer.

— Pourtant, il t'en faut au moins une en première année. Et plus t'en choisis, plus tu obtiens des crédits donc n'hésite pas à cumuler.

Ce type a l'air de s'y connaître mais tout ce qui m'intéresse est de passer en option soins l'année prochaine.

— Là, c'est le gymnase qu'on réquisitionne en cas de pluie.

— Depuis tout à l'heure, tu dis "on" mais tu parles de qui?

— Je suis le capitaine de l'équipe de football. Je pensais que tu le savais vu que tu fréquentes Lucas.

— Je ne le fréquente pas. On se connait juste rapidement, rien de plus.

Nous quittons le chemin bitumé pour de la terre fraîchement mouillée menant vers le bord du terrain. Je remarque que les autres filles sont également à proximité, comme si l'on s'était tous donné rendez-vous à cet endroit.

— C'est ici que je te laisse, j'ai entraînement. Si tu as envie de me voir car je te manque beaucoup trop, tu sais où te rendre. 

— Et bien on ne se croisera plus de l'année alors.

Ma remarque lui déclenche un fou rire alors que ce n'était vraiment pas le but. J'étais sincère. Taeju retrouve Jaemin et Lucas en tenue qui dévoile de belles cuisses sportives. Pendant cette année où je ne l'ai quasiment pas vu, mon ex cavalier de bal n'a pas chômé dans la salle de sport.

— À très vite, la nerveuse, hurle-t-il au loin.

Mon majeur se lève plus vite que ma répartie, pour lui faire comprendre à quel point j'apprécie d'être abandonnée sur cette pelouse. Je devrai donc trouver le bâtiment de mon prochain cours par mes propres moyens.
Heureusement que Jennie propose de toutes se regrouper pour se perdre ensemble, puis passer nos premières heures d'étudiantes à désespérer sur le programme qui nous attend.

Lorsque je quitte enfin les bancs de l'amphithéâtre, je ne trouve qu'un vide à l'endroit où gisait ma Suzuki. Je n'ose pas y croire. La fourrière m'aurait appelée si elle avait enlevé la voiture. Qu'a donc fait cet agaçant capitaine de foot?
Comme si l'Univers m'observait et n'attendait que cet instant, je reçois un SMS peu encourageant au même moment.

Numéro Inconnu:

[ Ton carrosse est en lieu sûr, Cendrillon. Ou en otage si tu préfères. Voilà ce qu'il en coûte de se frotter à moi. Tu veux le récupérer? Appelle-moi. Supplie-moi. ]

Je préfère fermer les yeux tandis que je l'insulte, lui et son arbre généalogique des pires noms d'oiseaux. Cet abruti devait être mort de rire pendant que je le suivais sagement. Je ne sais toujours pas quand est ce qu'il a eu le temps d'organiser cet enlèvement, mais il va me le payer. Il rêve s'il pense que je vais m'abaisser à le supplier.

Sans véhicule, je n'ai d'autres choix que de demander de l'aide à celui à qui j'ai pris le nom.

— Allô, mon amour de chéri?

— Comment va le plus beau cul de Séoul? Me répond Hyunjin.

— Du pays s'il te plaît. Ne dénigre pas ma beauté.

— Ce n'était pas mon intention. Tu sais bien que tu es la reine parmi les reines. Qu'attends-tu de moi ou de mon corps?

— Peux-tu venir me chercher? J'ai déposé ma voiture au garage, elle est en panne.

— Merde. C'est un problème de quoi?

Près de lui, j'entends des jurons puis un énorme coup avant que mon frère ne reprenne la communication. Son instinct protecteur ne lui permettra jamais de doser ses actions.

— Yeri, t'as un souci?

— Juste de locomotion, pas besoin de tuer mon homme pour ça, ni d'alerter les médias.

— Comment ça se fait? La voiture est neuve.

— Petit problème d'électronique. Rien de bien grave. Je m'en suis occupée comme une grande mais je n'ai pas envie de prendre le bus là. Quelqu'un peut venir me chercher?

— J'arrive, hurle Hyunjin à côté.

— Tu te trouves à quel endroit? Reprend Changbin.

— Ben, à la fac, dis-je trop vite avant de réfléchir.

Je comprends aussitôt mon erreur et tente de noyer le poisson en lui retirant son masque et sa bouteille à oxygène.

— Le gentil garagiste m'a ramenée ici. Il est adorable, n'est ce pas? Bon ben ce n'est pas tout mais dépêchez-vous. Je commence à avoir faim.

Mon culot permet à mon frère de se concentrer sur mon manque d'éducation et non sur les incohérences dans mon histoire. Aucun professionnel n'accepterait de jouer le taxi pour les beaux yeux de sa cliente. Par précaution, il vaudrait mieux que je me renseigne sur les étapes à suivre en cas de panne, au cas où Changbin me cuisinerait. Je suis douée pour le faire tourner en bourrique mais cela ne peut marcher que si je maîtrise le sujet.
En tout cas, une chose est sûre. J'ai réussi à me faire un ami dès mon premier jour à la faculté.