Chapitre 68 : Couloir sans fin

54 1 0
                                    

Point de vue d'Hisae.

Je vagabonde, encore et toujours dans ce même couloir blanc, fade, sans but précis. Je ne vois rien ; il n'y a rien au bout de mon chemin. C'est comme si j'étais aveugle. Pourquoi suis-je ici ? Que s'est-il passé ? Comment je m'appelle ?

Je ne peux rien décrire, rien faire. Mon esprit est vide, tout comme mon corps. Tout est flou, comme si je faisais partie de ce décor sans fin. Il est vide, sans histoire, sans sentiments. Est-ce moi, finalement ? Suis-je vraiment cette âme errante ?

Je n'ai plus la notion du temps. Cela dure, peut-être, ou bien tout se répète. Parfois, je me dis que cette réflexion ne fait que tourner en boucle, encore et encore, avant de disparaître dans l'oubli.

C'est effrayant. J'ai froid, seule, à marcher sans pouvoir m'arrêter. Comment ai-je fait pour me retrouver ici ? Suis-je... vivante ?

Soudain, une porte apparaît devant moi, surprenante dans ce décor uniforme. Elle ne me rassure pas, mais la curiosité l'emporte et je la pousse doucement. De l'autre côté, je découvre ce que je pense être mon propre lit d'hôpital. La vue de cette scène familière m'apporte une certaine clarté, éclaircissant un peu plus mes pensées et faisant remonter lentement des souvenirs.

Je vois mon propre visage, creusé et abîmé par les blessures. Il me semble étranger, comme si je ne l'avais pas vu depuis des lustres. Ce reflet si lointain me fait mal. Comment ai-je pu m'oublier à ce point ?

Mon esprit s'embrume de souvenirs flous et de moments partagés, mais tout est distant, comme des fragments d'un rêve qui s'évanouit. La vision de mon propre corps m'émeut, me bouleverse. Je passe une main froide et tremblante sur la joue de mon reflet, et une boule se forme dans mon ventre à la douceur du contact.

Lorsque la porte s'ouvre soudainement, mon cœur se serre à l'idée d'une nouvelle intrusion, mais à travers l'ouverture, je vois ce garçon. Il entre lentement, comme un spectre fatigué, son visage marqué par des cernes profondes et un vide d'émotion apparent.

Il s'avance jusqu'à mon lit, son regard fixant le sol, comme s'il était perdu dans ses pensées. Il s'assoit prudemment à mes côtés, ses mouvements presque mécaniques. Il ne semble pas m'avoir remarquée tout de suite, mais je perds toute conscience de la réalité à mesure que je l'observe.

Le silence s'installe, lourd et oppressant, jusqu'à ce qu'il commence à parler, sa voix faible, presque résignée.

— Salut Hisae... c'est officiel, ça fait deux mois, dit-il lentement, les yeux toujours rivés au sol. Deux mois... c'est comme une éternité, chaque jour semblant durer une année entière sans toi. À l'école, tout est devenu étrangement banal, comme si la vie continuait sans couleur ni émotion, juste des tâches répétitives.

Il s'interrompt un instant, prenant une profonde inspiration avant de continuer, sa voix se faisant plus douce, plus fragile.

— Je fais de mon mieux pour tenir le coup. Chaque jour, je m'efforce de poursuivre mes entraînements, de participer aux cours, d'être là pour les autres. Mais tout est devenu une routine sans fin, sans but. Chaque moment passé loin de toi me semble interminable, et pourtant, il y a ce sentiment constant que quelque chose me manque profondément.

Il tourne enfin la tête vers moi, ses yeux rencontrant les miens avec une tristesse infinie. Et mon cœur fit soudainement un bond, une sensation que je n'avais pas ressentie depuis une éternité dans mes souvenirs... Son regard semble me fixer sans pour autant qu'il n'ai l'air de me voir, ses yeux...

Shoto...!

Une multitudes de souvenirs me reviennent brusquement en tête et mon cœurs semble se ranimer d'une manière incroyable. Comment ai-je fait pour ne pas le reconnaître...? Je comprends désormais qu'il ne me regarde pas moi, il ne me voit pas, ses yeux sont juste perdus dans le vide de cette chambre qui semble le détruire dès qu'il y entre. Ses lèvres se plissent soudainement en un sourire triste, presque imperceptible.

— J'attends toujours... toujours un retour de ta part. Parfois, je me demande si je pourrais faire quelque chose de plus, quelque chose pour te ramener. Mais tout ce que je fais, c'est attendre. Chaque matin, je me réveille avec l'espoir que ce jour sera différent, que tu seras là, en meilleure forme, prête à te réveiller.

Il passe une main tremblante dans ses cheveux ébouriffés, le désespoir palpable dans ses gestes. Les émotions se déversent dans ses paroles comme une rivière en crue, tandis qu'il poursuit, les yeux toujours perdus dans le vide.

— Les jours passent, et je continue de me battre. Mais chaque victoire semble pâle et dénuée de sens sans toi à mes côtés. Je voudrais pouvoir tout changer, revenir en arrière, refaire ce qui a été fait, mais... tout ce que je peux faire, c'est te parler, espérer que quelque part, d'une manière ou d'une autre, tu entends mes mots.

Il s'arrête, l'air épuisé, puis rabaisse son visage vers mon corps inanimé devant lui avant de se pencher légèrement vers moi. Comme s'il cherchait à capter une réponse, même si la réponse semble impossible à obtenir. Les lumières au-dessus de nous dessinent des ombres sur son visage, accentuant encore sa fatigue et sa tristesse.

— Je voudrais pouvoir te dire tout ce que je ressens, mais j'ai encore l'espoir de pouvoir te le dire quand tu seras consciente face à moi, murmure-t-il, sa voix se brisant sous le poids de ses émotions.

Il passe sa main froide et tremblante sur mon visage, sa peau contre la mienne me donne une sensation étrange, presque réconfortante malgré le désespoir ambiant. Ce contact me procure un courant électrique que je n'avais encore jamais ressenti, une vibration à la fois intense et douce, comme si chaque contact électrisait chaque fibre de mon être. Ses gestes sont empreints de tendresse, chaque contact étant une tentative désespérée de se reconnecter avec moi. Étrangement, cela me donne une sensation d'être ramener à la realité, près de lui.

Mais malgré cela, je fais face à cette scène horrible, impuissante de faire quoi que ce soit. Je suis prisonnière de mon corps et c'est une sensation terrible. Je fais souffrir les gens autour de moi alors qu'en un clignement de cils je pourrais tout changer. C'est frustrant à tel point que cela me fait pleurer. Je suis tellement désolée... Désolée pour tout le mal que je cause depuis trop de temps maintenant, et je n'arrive même plus à me souvenir de comment j'ai atterri dans ce lit d'hôpital.

Shoto continue de murmurer, sa voix s'atténuant peu à peu, la fatigue le rattrapant. Il se penche légèrement, ses mots se faisant de plus en plus discrets, mais toujours chargés de sentiments. Ses yeux sont emplis d'une tristesse profonde et d'un désespoir palpable.

Il reste assis à mes côtés, la fatigue pesant lourdement sur ses épaules. Ses yeux se ferment lentement alors qu'il s'assoupit à mes côtés, sa main toujours dans la mienne. La chaleur de sa présence et la douceur de ses gestes apportent une sensation de paix inattendue, malgré la situation difficile.

Le silence de la pièce est apaisant, contrastant avec la tension et la tristesse précédentes. Le simple fait de sentir sa présence à mes côtés, cette connexion palpable, est presque suffisante pour me donner un peu de réconfort. Le temps passe lentement, chaque seconde semblant s'étirer, mais je suis touchée par le dévouement de Shoto.

Il dort à mes côtés pendant environ trente minutes, son sommeil étant paisible malgré la douleur et l'inquiétude évidentes. Lorsqu'il se réveille, il fixe un moment ma main encore entre ses doigts, comme s'il espérait sentir un signe de ma part. Il se lève avec précaution, puis se penche pour déposer un long baiser sur le haut de mon crâne, ses yeux fermés en signe de dévotion. Une larme perle subitement sur sa joue, qu'il essuie rapidement du revers de la main avant de quitter la chambre.

Il laisse derrière lui une trace de son affection et de son dévouement. Le silence revient, mais il est désormais rempli d'une chaleur nouvelle, un léger réconfort dans l'obscurité.

Je reste debout, face à moi-même, inerte sur ce lit qui ne semble pas vouloir me laisser partir. Le cœur lourd mais réchauffé par cette connexion éphémère, en espérant que cette lueur d'espoir me guidera, même dans cet état de coma où tout semble flou et incertain.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Oct 18 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

My Hero | S.TOù les histoires vivent. Découvrez maintenant