L'Avènement de l'Astre Noir - Les Flammes Eternelles

Kymbéra

Kymberlin
Royaume de l'Est

Veille de l'éclipse

Un cavalier aux couleurs Rouge et Argent sortit de la forêt à vive allure. Les sabots de sa monture martelaient le sentier rocailleux de claquements rapides et réguliers, sur un rythme qu'ils donnaient l'impression de pouvoir tenir indéfiniment.

Le cavalier portait la tenue de la Garde des Messagers : souple, adaptée à ses mouvements, bardée de lanières de cuir autorisant cet effort soutenu sans sacrifier à sa protection.

Sous les sabots du cheval, le sentier forestier devint pavé. Le cavalier pénétrait désormais dans la partie la plus peuplée des Terres de l'Est, dont la vaste Forêt Royale constituait la lisière occidentale.

La région était civilisée, opulente. A perte de vue, des champs cultivés se succédaient dans la pénombre d'avant l'aurore. Le sol fumait, la rosée recouvrait une végétation composée de massifs d'arbres réguliers et de plantations diversifiées.

Le Royaume de l'Est, celui des Rois Welliters de la dynastie de Numang, était à la fois le plus vaste et le plus prestigieux du monde de Kymberlin. Il était divisé en Districts, chacun placé sous l'autorité d'une Cité souveraine et administré depuis là. Les Terres de l'Est constituaient de fait la plus prestigieuse de ces régions, étant donné que leur Cité souveraine n'était autre que la capitale du monde civilisé : la légendaire Kymbéra.

Le cavalier traversa un village en conservant son allure soutenue. C'était un bourg d'un millier d'âmes, représentatif du peuplement de la région. Il était constitué de nombreuses et solides maisons de pierre, auxquelles s'ajoutaient des constructions agricoles et artisanales. Il s'organisait en deux demi-cercles autour d'un axe principal très large. 

Tout autour, des terres cultivées, bien organisées, témoignaient d'une gestion à la fois rigoureuse et de grande ampleur des ressources environnantes. La sagacité d'une civilisation plusieurs fois millénaire se faisait ici ressentir, imprégnant le moindre pavé de la route, le moindre bosquet d'arbre, la moindre construction de pierre. 

Là où d'autres peuples pouvaient laisser leur société foisonner de manière incontrôlée, ou au contraire dépérir, celle des Welliters donnait l'impression d'avoir pris le temps de se construire, de se penser, sans chercher une fuite vers un horizon inaccessible. Le socle de tradition ancien qui la soutenait se portait garant de sa stabilité.

A cette heure, le village traversé par le cavalier était encore endormi, des panaches de fumée s'échappaient des cheminées de pierre. Seuls quelques paysans étaient à l'ouvrage, ainsi que le forgeron, dont les coups de masse arrachaient des étincelles au métal qu'il travaillait à l'intérieur d'une cavité éclairée par des lueurs chaudes.

Porté par son élan, le messager décrivit un écart pour éviter une charrette tirée par deux bêtes cornues, au front monté de quatre puissants appendices. Un fermier On-thaïni menait l'attelage. Autant le cavalier était grand, élancé, athlétique, traits caractéristiques de la souche des Welliters, autant le fermier était plus petit, robuste et trapu. Son teint d'un bleu hâlé et ses traits plus rugueux contrastaient également avec la peau grise, aux traits fins, du coursier.

S'il avait suffi d'un réflexe au messager pour éviter le chariot, le fermier en revanche réagit plus lentement. Il eut juste le temps de reconnaître le Rouge et l'Argent du cavalier, avant que ces couleurs ne disparaissent au détour de la route.