L'Avènement de l'Astre Noir - Les Flammes Eternelles

22 - Vers les Sommets

Vallée de Carnégie

Un certain nombre de légendes urbaines circulaient au sujet du millionnaire Archanger et de sa famille, comme il en est souvent de ces personnalités qui attisent autant la curiosité que la jalousie.

La majorité de ces légendes, manifestement, relevaient de la plus pure fantaisie. Ainsi en était-il par exemple de celles prétendant que le patriarche était un vampire... et que sa plus jeune fille ne sortait jamais de chez elle pour cette même raison ; ou cette autre dépeignant l'épouse défunte du patriarche comme un spectre, qui venait hanter les pistes de ski à la tombée de la nuit... !

Mais au-delà des fabulations, une de ces histoires trouvait sa source dans un fait réel, survenu à peu près à la même période que l'arrivée du millionnaire dans la région.

Vingt-deux ans plus tôt, une météorite était tombée dans la région de Carnégie. Elle s'était fragmentée en plusieurs morceaux, qui pour la plupart avaient été recueillis par des laboratoires scientifiques voisins. Le plus gros fragment était resté enterré dans les montagnes, à l'emplacement exact disait-on où l'on avait ensuite construit l'Observatoire. Il avait paru logique de construire ce monument dédié à l'observation des Astres, sur le lieu de chute de l'un de ces corps célestes.

Une autre partie de la légende prétendait que c'était justement la chute de cet astéroïde qui avait attiré l'attention du millionnaire. Qu'étant passionné de mystère et féru de sciences, il s'était rendu à Carnégie pour étudier le météore, et qu'il était alors tombé amoureux de la région, jusqu'à y fonder son empire.

Ce que les légendes oubliaient, c'est que les fragments du météore dispersés dans les laboratoires ou universités supposés les analyser, n'avaient jamais été réellement étudiés. Ils avaient, en réalité, les uns après les autres, été rachetés par un collectionneur inconnu, parfois même subtilisés lorsque leurs détenteurs refusaient de les vendre.

Et ce que les légendes mentionnaient encore moins, c'est que ce mystérieux collectionneur n'était autre que William Archanger lui-même, qui avait en l'espace de quelques mois réuni tous les fragments éparpillés de l'astéroïde, pour les rassembler au même endroit... précisément celui de sa chute.

Lieu où reposait, aujourd'hui encore, le mystérieux météore.

Une fois leur destination atteinte, la grande silhouette albinos de Mylar et son singe effrayant descendirent en premier de l'ancien téléphérique, laissant derrière eux tourner à vide la mécanique grinçante et cliquetante. Ils se trouvaient à près de trois mille mètres d'altitude, sur un promontoire métallique grillagé, situé en dessous de l'observatoire : l'édifice massif se dressait devant eux dans la nuit en leur présentant ses fondations.

Ce téléphérique n'était quasiment jamais utilisé, hormis à discrétion du patriarche. C'était une machine ancienne dont la construction datait d'avant l'arrivée d'Archanger. Officiellement, il n'existait plus, il était censé avoir été retiré du service plus de dix ans auparavant. Pourtant, il demeurait, avec la particularité de mener auprès d'une porte offrant une entrée dans l'observatoire depuis sa partie inférieure, inaccessible par tout autre moyen.

Mylar et ses mercenaires entraînèrent les trois filles Archanger dans cette direction, sur un chemin autant glacé que glissant, assez large pour ne pas risquer de chute, mais suffisamment escarpé pour effrayer tout individu sensible à l'altitude. Les trois sœurs étaient à ce point choquées, à la fois par ce qu'elles venaient de vivre, par cette équipée nocturne, et le traitement que leur infligeait Mylar, qu'elles suivaient sans rien dire. Elles étaient terrifiées, frigorifiées.