15 - Réaction en Chaîne (suite)

46 7 6
                                    



Jade Archanger pénétra dans le bureau de son père, où se trouvait déjà sa sœur Gaëlle. Elle portait encore sa sortie de bain, même si elle n'avait pas eu l'occasion de la mouiller. Dans son empressement, elle n'avait pas non plus pris la peine de se vêtir plus décemment. C'est le majordome qui la suivait en transportant ses vêtements de soirée.

Jade découvrit son père assis dans son fauteuil dans une posture rigide et se précipita vers lui.

  – Que se passe-t-il ? William ? Est-ce que ça va ?

Le patriarche regarda sa fille avec un regard plus froid qu'à l'accoutumée, comme si elle était devenue transparente à ses yeux.

  – Assieds-toi, répondit-il distraitement. J'ai à vous parler, à tous les cinq.
  – Nous parler ? Ce soir ! Mais de quoi ? Tout le monde est en train de faire la fête... tes invités demandent tous après toi. J'étais inquiète !
  – Il y a de quoi être inquiet, mais pas pour ma santé, si c'est ce que tu crains...

Jade dévisagea son père sans comprendre, puis se tourna vers sa sœur Gaëlle, qui semblait attendre patiemment dans le canapé du bureau, à la recherche d'une réponse qu'elles ne possédaient ni l'une ni l'autre.

  – Crois-moi, insista le patriarche, voyant de nouveau sa fille en dépit de ses préoccupations. Ce que j'ai à vous dire est autrement plus grave. Je n'ai plus le temps d'attendre, ce qui doit être fait doit l'être sans délai.

  – Pas le temps d'attendre quoi ? De quoi parles-tu ? Gaëlle, sais-tu de quoi il s'agit ?

A nouveau, seule l'incertitude de sa plus jeune sœur lui répondit.

Gaëlle Archanger avait une position un peu particulière au sein de la famille. Il était rare qu'elle prenne la parole ou même l'initiative. Généralement, elle attendait que ses aînés, son père notamment, Jade souvent, voire Julian, décident pour eux.

Sa situation était d'autant plus spéciale que sa santé délicate l'avait toujours faite considérer comme la plus fragile aux yeux des siens, que ce fût physiquement ou même affectivement. Depuis toujours, elle était considérée comme la petite dernière, même si elle était loin d'être une fillette désormais avec ses 21 ans. Elle restait de constitution chétive, certes, mais possédait en revanche une nature exubérante et une grande vivacité mentale.

On lui reconnaissait volontiers cette vivacité d'ailleurs, au point même de voir en elle une véritable surdouée. Il est vrai que ses compétences intellectuelles, que ce soit dans le domaine scientifique comme le domaine artistique, sortaient du lot. Son diplôme d'astrophysicienne obtenu à seize ans ou ses talents de sculptrice impressionnaient bien au-delà du cercle familial.

Pourtant, tout se passait comme si, au lieu de la reconnaître comme l'adulte qu'elle était devenue, ces capacités n'avaient fait au contraire qu'exacerber les sentiments maternels de ses pairs : ils n'en ressentaient que davantage le besoin de protéger son génie ingénu contre le reste du monde.


Le patriarche s'adressa encore à Jade.

  – Tu devrais passer des vêtements.

La jeune femme soupira et saisit la robe que le majordome lui tendait. Elle se débarrassa de sa sortie de bains et passa mécaniquement sa robe par dessus son maillot deux pièces.

Pendant ce temps, Gaëlle avait suivi le fil de ses raisonnements. Elle finit par quitter son mutisme pour déclarer :

  – C'est à cause de la singularité, n'est-ce pas ?

L'Avènement de l'Astre Noir - Les Flammes EternellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant