Vallée de Carnégie
William Archanger était assis à son bureau, sous l'éclairage tamisé des rampes luminaires murales. Seul, immobile, plongé dans ses pensées, alors que la soirée la plus prestigieuse de l'année se déroulait dans son propre domaine, et que ses invités s'ébattaient sans lui.
William Archanger était un vieillard au regard vif et intense : il portait de longs cheveux blancs, qui faisaient ressortir ses yeux verts. Son front était ridé, sa mâchoire glabre, son nez un peu cassé. Même assis à son bureau, il semblait grand. Si le poids des années pesait sur ses épaules, lui donnant une allure légèrement voûtée, l'éclat dans son regard, et sa dignité, pouvaient témoigner d'une vigueur encore intacte.
On l'appelait le Patriarche, un titre qui lui convenait à merveille. William Archanger régnait sur son domaine, et par extension sur une partie de la région, d'une main ferme mais paternelle. En vingt ans à peine, il avait réussi à bâtir un empire, faisant rayonner le nom de Carnégie autour du monde.
De même qu'en vingt ans, il avait vu mourir une épouse et grandir de nombreux enfants, dont aucun n'était frère ni sœur.
William Archanger avait les mains croisées sur la surface lisse de son pupitre. Deux chevalières brillaient à ses doigts, longs, fins et alertes. Quant à la surface du bureau, elle ne comportait en tout et pour tout qu'un sous-main noir, un globe de métal usé sur le côté, et de l'autre un cadre exhibant une photo de ses cinq enfants, lorsqu'ils étaient bien plus jeunes.
Son regard s'aventura vers un portrait, sur le mur en bois clair de son bureau, entre les rampes luminaires : le portrait d'une femme, belle et triste, au visage orné par des arabesques dorées, qui lui rappelait de lointains mais ardents souvenirs.
A ce moment, on frappa à sa porte. William Archanger sortit de ses pensées.
Un grand domestique voûté pénétra dans le bureau aux lumières tamisées. Il s'appelait Duncan, depuis toutes ces années il officiait en tant que majordome attitré de la famille : un homme aux cheveux courts, aux yeux sombres, au visage tranquille mais rude, à la carrure solidement charpentée.
– Ils arrivent, déclara le majordome.
Le patriarche soupira à ces paroles.
– Qu'ils entrent, répondit-il avec fatalisme.
Quatre énergumènes avançaient de front dans le large couloir de la zone résidentielle réservée à la famille Archanger. Ils avaient une allure aussi étrange que très différente les uns des autres.
Il y avait là une femme et trois hommes. La femme était grande, rousse, solide, au regard fanatique. L'homme à sa gauche, un espagnol, semblait plus désinvolte, barbu, arborant de longs cheveux noirs. Un troisième possédait des cheveux raz, une dégaine militaire, mâchoire carrée et style caucasien. Et quoiqu'ils eussent peu en commun au premier regard, ces trois-là partageaient la même fonction : il s'agissait de mercenaires.
Leur chef demeurait sans conteste le plus impressionnant du groupe. Il était atteint d'albinisme. Robuste, la peau très blanche, albâtre, les cheveux dissimulés par une coiffe volumineuse, ses iris étaient d'un bleu translucide au travers desquels on percevait le rouge de ses vaisseaux sanguins.
Et il portait un singe sur son épaule !
Comme ils approchaient de leur destination, les quatre visiteurs découvrirent la silhouette solide du majordome du domaine postée dans le couloir, auprès d'une lourde porte. L'albinos s'avança jusqu'à lui, tandis que les trois mercenaires suivaient en retrait.
VOUS LISEZ
L'Avènement de l'Astre Noir - Les Flammes Eternelles
FantasiDepuis six millénaires, le monde de Kymberlin connaît une ère de paix et de prospérité que l'on croyait pouvoir durer à tout jamais. Mais lorsque l'Astre Noir vient recouvrir Shaggan, en faisant trembler les fondations même de l'Équilibre, les crain...