L'Avènement de l'Astre Noir - Les Flammes Eternelles

La Bataille du Glacier

Vallée de Carnégie

Sous les regards effrayés des sœurs Archanger, les créatures surgissaient de la structure du glacier même.

Ce n'étaient plus des loups. D'abord, ce n'était qu'une simple grosseur... dans laquelle se formaient les trous des orbites oculaires. Puis s'élevait le buste, massif, qui grandissait et se scindait en de multiples membres. Des excroissances se formaient alors au pied de cette masse désarticulée, lui permettant de se détacher du sol et lui apportant la capacité de se mouvoir.

La crainte des Palatins se fit sentir en écho à l'épouvante des terriennes. Les Moines n'avaient jamais affronté eux-mêmes de créatures magiques, pas plus probablement qu'aucun Edlan depuis des éons. Mais le souvenir de leur existence résonnait dans leur esprit comme dans l'inconscient collectif de tous les peuples de Kymberlin. 

Sans compter que ces créatures de glace qu'ils voyaient se former devant eux n'étaient que la face visible de l'iceberg : de simples soldats, au service d'un pouvoir plus grand encore. La force qui les conjurait était celle des Asharis eux-mêmes. Ces créatures des Abysses, que l'on surnommait parfois démons à tort, faisaient usage de la plus puissante de toutes les magies de Kymberlin. Ils pouvaient lever des armées à leur service, en détournant simplement ce qu'ils avaient à portée de main. Pour cela, ils utilisaient les éléments et même les animaux comme une simple farine à pétrir. Ainsi en était-il des créatures de glace qui se formaient sous les yeux des guerriers palatins.

Les Asharis n'avaient pas disparu avec l'avènement de l'Équilibre, mais avaient été relégués dans les profondeurs de Kymberlin. On n'en voyait pour ainsi dire jamais fouler le sol du monde, sur lequel ils ne pouvaient survivre longtemps. Ils restaient exilés dans leurs cavernes insondables. Cependant, la brèche cosmique créée entre ce monde étranger et Kymberlin avait changé la donne. Sous la forme de ces brumes épaisses, qui remplissaient la vallée de Carnégie et maintenant la trouée du glacier, les Limbes s'étaient répandues en profitant du passage ouvert pour quelques heures. Par leur prolifération, elles avaient ramené avec elles une atmosphère suffisamment viable pour permettre aux Asharis de monter en surface.

Vandemer, le maître des moines, savait tout cela mieux que quiconque. Il serra les mâchoires, puis cria de toutes ses forces :

  – Ne combattez pas ! Avancez et protégez nos arrières !

L'Apostol lui-même prit d'assaut le pont de pierre improvisé avec son avant-garde, pour échapper à l'embuscade tendue sur le glacier, tandis qu'il ordonnait au reste de ses troupes de faire front derrière eux.

Avec un court temps de retard, que leur coûta la fascination de voir les Golems s'extirper laborieusement de la glace, Mylar lui-même pressa ses mercenaires d'emmener leurs otages avant que les créatures aient achevé leur formation. Mais dans la panique, Julian profita d'une ouverture pour échapper aux moines qui partaient combattre les golems, et ainsi récupérer sa hache. Julian et Mylar se retrouvèrent face à face, prêts à en découdre au premier geste malencontreux. Devant la hache de Julian, Mylar brandissait un bâton des moines récupéré sur le cadavre de l'un d'eux.

  – Le preux chevalier ! ricana l'albinos. Te voilà armé maintenant. Très bien ! Que vas-tu faire, seul contre tous ?

Keira échappa à son tour à la vigilance des mercenaires et se plaça aux côtés de Julian.

  – Pas seul ! s'écria-t-elle.

Jade profita de la débandade pour filer entre les doigts de sa propre gardienne, la mercenaire rousse, et rejoignit les deux premiers avec détermination.