L'Avènement de l'Astre Noir - Les Flammes Eternelles

L'Expédition

Terres Australes

La troupe laissait les montagnes du pôle sud derrière elle pour faire face à la longue plaine polaire, éclairée par les rayons déclinants de Shaggan. Au nord, là où ils se dirigeaient, il n'y avait plus que des étendues blanches, parsemées de dunes et de rochers. Le ciel était limpide et peu à peu sa luminosité déclinait. Quoique l'obscurité ne fut jamais totale à proximité du pôle sud, elle s'épaississait néanmoins à chaque instant.

Cette troupe comptait plus d'une trentaine de membres : la majorité étaient des Güunars, ces hautes créatures simiesques, dont le pelage dense et gris semblait suffire à les protéger du froid. Mais parmi elles plusieurs silhouettes humaines étaient également visibles.

Deux des humains étaient des hommes à l'apparence coriace, d'une quarantaine d'années. L'un portait une arbalète et l'autre une lance Güunar. Sur Terre, ils avaient été des hommes de main du millionnaire Archanger, et c'était la seule raison qui justifiait leur présence en un tel lieu. Le sort avait voulu qu'ils échouent ici, un sort qu'ils semblaient avoir accepté. C'était déjà pour leur abnégation que le patriarche les avait engagés, leur contrat évidemment n'avait pas prévu de les emmener aussi loin, mais ils savaient qu'ils auraient à faire face à des situations sortant de l'ordinaire. Au fond, si le lieu changeait, leur mission demeurait : protéger la famille Archanger. Et c'est ce qu'ils faisaient ici, en participant à cette expédition qui visait à trouver le chemin du retour.

Les trois autres terriens du groupe étaient plus jeunes que les vigiles, vingt-cinq ans environ : il s'agissait de Noa, Tristan et Karim. Ceux-là semblaient avoir encore moins de raisons que les mercenaires d'Archanger de se retrouver en un tel lieu. Ils n'avaient signé aucun contrat pour leur part, si ce n'est cette forme d'accord tacite qui liait les individus d'un même groupe d'amis. Ils ne devaient finalement cette destinée extravagante qu'à une succession de coups du sort. Or, ce qui motivait leurs efforts et leurs sacrifices à ce moment, leur seule préoccupation, c'était de repartir d'où ils venaient.

Il restait une dernière silhouette humaine, robuste, au milieu de la troupe, vêtue de peaux blanches comme les autres ; mais il ne s'agissait pas d'un terrien. C'était un natif de Kymberlin, un individu de la race des Landers : il était le guide de la troupe, vivait parmi les Güunars, et paraissait leur commander.

Le Lander se nommait Elkan. Il était peut-être plus jeune que les terriens, mais possédait l'aplomb d'un aventurier chevronné. Outre ses compétences, il portait en lui l'expérience d'une vie rude dans un milieu hostile.

Après un dernier regard vers Shaggan qui disparaissait progressivement derrière l'horizon, Elkan planta sa lance profondément dans l'épaisse couche de glace constituant le sol, et ordonna à la troupe de préparer le camp pour la nuit. Ils s'arrêtaient là.

Karim se rapprocha du meneur pour le questionner.

  – Pourquoi ici, à découvert ? demanda-t-il. Il y a des rochers là-bas un peu plus loin qui pourraient nous abriter du froid.

  – Ces rochers se situent à plusieurs heures de marche, répondit Elkan, leur apparente proximité est un mirage produit par la luminosité rasante. Ici est un bon endroit ! ajouta-t-il en retirant sa lance d'un geste sec.

A ce geste, un sifflement se fit entendre, provenant du sol. Elkan se pencha vers l'étroit orifice qu'il avait laissé dans la glace, et frappa deux pierres d'une couleur soufrée à proximité. Une étincelle surgit, qui alluma subitement un jet de flammes à la sortie de l'orifice.