1 - La Singularité

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Kymberlin - Les Terres Australes

Des sommets blancs hérissaient l'horizon à perte de vue.

Les Terres Australes constituaient une région tourmentée, située à l'extrême sud du continent majeur de Kymberlin. Nulle végétation, nulle civilisation, ne peuplait ces contrées désertiques, à l'exception de rares tribus primitives ou colonies minières. L'eau, la pierre et le vent régnaient sans partage. 

Dans toutes les directions, falaises, pics, rochers, corniches, succédaient à des plateaux accidentés, traversés de profondes crevasses ou, plus à l'est, de vallées encaissées. Ici, on ne discernait pour ainsi dire que deux teintes : le blanc des étendues enneigées au sol, et le bleu turquoise du ciel, nuance produite par l'impact des rayons rasants de Shaggan sur l'atmosphère.


Du fait de leur proximité avec le pôle sud, les Terres Australes ne connaissaient toute l'année qu'une sorte de crépuscule perpétuel, entrecoupé de brèves phases nocturnes. 

Mais aujourd'hui, il en était autrement...

Aujourd'hui, dans le ciel, le disque de Shaggan disparaissait presque intégralement dans l'ombre d'une singularité cosmique d'origine inconnue.

Ce phénomène avait débuté deux jours auparavant. Ce qui n'avait été au début qu'une simple tache noire à la surface de Shaggan avait progressé, inéluctablement, jusqu'à recouvrir la majeure partie de l'astre. Depuis plusieurs heures, une nuit épaisse s'imposait. Les derniers rais de lumière ne léchaient plus que des sommets glacés.


En dépit de ces conditions, un groupe de Güunars bravait les éléments. Sans paraître se soucier ni de la rudesse de l'environnement ni de la nuit croissante, une vingtaine d'entre eux descendaient les pentes abruptes d'un pan de falaise glacé.

Les Güunars n'étaient pas des Edlans, sans que l'on puisse toutefois les considérer comme des animaux. Ils constituaient une espèce primitive mais habile et douée de raison. Grands, souples, simiesques, ils semblaient résulter d'un croisement entre l'homme et le primate. Ils possédaient des membres puissants, une grande envergure, ainsi qu'une constitution aussi robuste que les conditions climatiques le nécessitaient. Dans ces contrées hostiles, éloignées de tout, leur peuplade formait ce qui s'apparentait le plus à une société organisée.

Tant leur agilité que leur habileté cependant étaient mises à l'épreuve en descendant ces pans de falaise. Chaque instant semblait tenir du miracle qu'ils ne lâchent leur prise, déclenchent un éboulement ou se perdent dans une crevasse.

Et leur tâche n'était pas facilitée par les espèces de gros paquets qu'ils transportaient. Ils se partageaient la responsabilité de volumineux fardeaux, enveloppés dans des peaux épaisses, parfois les confiant à un autre membre de leur clan en meilleure position, parfois les faisant descendre au bout d'une corde tressée, et d'autre fois les portant simplement en travers de leur dos.


Pendant tout ce temps, au pied des falaises, dans la luminosité déclinante due à la singularité cosmique, un individu les observait.

C'était un Lander, plutôt robuste pour un individu de son espèce, même s'il n'était pas aussi grand que les Güunars. Il était enveloppé dans une peau d'animal blanche et lisse, qui semblait davantage appartenir à une créature aquatique que terrestre. Son visage d'une beauté minérale disparaissait sous une épaisse capuche dont seuls ressortaient les traits de buée produits par sa respiration.

L'Avènement de l'Astre Noir - Les Flammes EternellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant