L'Avènement de l'Astre Noir - Les Flammes Eternelles

10 - Sarabande

Noa, Mark, Karim et Tristan étaient des amis de longue date, d'enfance même pour deux d'entre eux. Pendant leur adolescence, ils avaient été à ce point inséparables qu'une fois devenus de jeunes adultes, il leur avait paru naturel de continuer à se côtoyer, c'est pourquoi ils avaient pris un appartement en collocation dans le centre de Carnégie.

Au départ, rien ne les destinait à devenir amis. Ils formaient un groupe bigarré entre les origines africaines de Noa, nord-africaines de Karim, nordiques de Tristan, et plutôt locales de Mark. En outre, tous les quatre venaient de milieux sociaux différents et n'avaient que peu en commun.

Tristan était fils de restaurateurs. Il avait grandi dans un milieu modeste et populaire, avec pour horizon la reprise de l'affaire familiale ; mais ses études d'hôtellerie l'ayant dissuadé de suivre cette voie, il s'était reconverti d'abord une fois pour devenir infirmier ; et devant un second échec, avait finalement repris des études de droit.

Cette versatilité était souvent un sujet de plaisanterie, mais Tristan ne s'en formalisait pas et loin de considérer cette expérience comme une défaite, affirmait qu'il cherchait juste sa voie. Son parcours sinueux reflétait bien son caractère, versatile lui aussi, passant facilement d'un sujet à un autre, d'une émotion à son contraire, capable de fous rires comme de grandes colères.

Seule la tristesse semblait incapable de le toucher : au fond de lui, Tristan possédait une sorte de force intérieure indestructible, quelle que fut son humeur, que les positifs appelleraient "croire en sa bonne étoile", et les négatifs "être aveuglé par l'illusion".

Noa et Tristan étaient amis depuis leur plus jeune âge, ils étaient presque frère et sœur. Si l'enfance de Tristan avait été un peu trop laxiste, ses parents ayant trop à faire pour s'occuper de lui, celle de Noa avait surtout été plus difficile, forgeant en partie son caractère bien trempé.

Sa mère travaillait comme serveuse dans le restaurant des parents de Tristan, Noa n'avait jamais connu de père. Manquant de cadre familial, rebelle dans l'âme, elle avait multiplié les écarts de conduite et les expériences malheureuses, jusqu'à ce que leur groupe se consolide vers le lycée, ce qui avait eu sur elle une influence bénéfique.

A partir de là, Noa avait repris le contrôle de sa vie, canalisé son énergie rebelle vers des activités militantes, en faveur des minorités dont elle faisait partie, ou des causes environnementales. Peut-être même s'était-elle trop impliquée socialement, au détriment de ses études et de sa vie sentimentale, car en fin de compte, elle ne pouvait réellement compter que leur petit groupe comme véritable relation.

Karim au contraire avait un parcours plus tranquille. Issu d'un milieu intellectuel de professeurs, aisé sans être privilégié, il avait grandi entre les livres et les ordinateurs. Même s'il était originaire d'une autre culture, il n'avait jamais ressenti pour sa part de stigmatisation, évoluant dans des milieux cultivés, généralement plus tolérants.

Ses facilités en classe et ses goûts l'avaient naturellement mené vers des études scientifiques. Par la suite, il avait pu rejoindre la filière d'Astrophysique ouverte à Carnégie grâce à l'observatoire co-financé par William Archanger. D'un naturel calme, raisonnable, souvent dans la lune certes, mais réfléchi et passionné, Karim s'était taillé une place dans le groupe depuis le collège, par son amitié avec Mark tout d'abord, puis avec les autres.

Quant à Mark, son parcours était plus chaotique. Il avait perdu sa mère tout jeune, il était arrivé à Carnégie avec son père à l'âge de quatorze ans, lequel travaillait comme contremaître dans le bâtiment.