Le Royaume de Nelda

Chapitre 32

L'équipe d'Iris était ressortie gagnante de ce premier match avec un avantage d'une dizaine de point seulement. Ce fut à mon tour d'avancer vers le terrain avec mes coéquipières. Je me demandai un instant pourquoi nous n'utilisions pas le deuxième terrain mais nous ne pourrions apparemment uniquement lorsque tout le monde aura déjà fait son premier match. Peut-être tentaient-ils de nous épuiser et voir jusqu'où nous tiendrions.

Je repérai Isalyne suivie de près par d'autres de mes coéquipières. Je n'avais jamais échangé un seul mot avec certaines d'entre elles. C'était à peine si je connaissais les prénoms de tout le monde. Isalyne m'offrit un faible sourire et l'évènement était si impensable qu'il me fit reprendre un regain d'espoir. Ma cousine se positionna derrière moi et le coup d'envoi retentit.

Autumn décolla au taquet et dès les premières minutes je remarquai que son envi de filer dans l'air était supérieure à celle de me faire payer mon inattention envers lui. Calypso, ma cousine, me lança la balle et je filai vers les cages. Mes pensées fusaient aussi vite que celle de mon compagnon qui passa sous une adversaire sans qu'elle n'ait le temps de réagir. Je levai mon bras et senti mes muscles me contracter. Profitant du retard de la gardienne qui était plutôt positionnée sur la gauche, je visais à droite mais un choc brutal me fit lâcher la balle. Autumn dévia de sa trajectoire et son aile gauche parut quelques instants froissée mais il regagna rapidement de la hauteur. L'arbitre signala la faute adverse qui avait tout de même bien arrêté notre attaque.

Je m'avançai face à la fille aux larges épaules et à la peau noire dont la monture était toute aussi imposante. Les autres joueuses se tenaient prêtes autour de nous à récupérer la balle de celle qui allait avoir le dessus sur l'autre. Ses yeux brillèrent de malice tandis que je me tenais prête à riposter. J'entendis un grondement et en tournant la tête je vis une quantité d'eau monstrueuse foncer vers moi. Mon griffon et moi ne résisterions pas à ça. Alors, j'agis sans réfléchir, je n'avais pas le temps pour ça. J'utilisais la dernière chose que j'avais vu avec Gordalf. Je puisais dans chacune de mes ressources mentales et appelait à moi une chose qui n'était pas tout à fait un objet contrairement à mon habitude. Les bourrasques passèrent toute autour de moi pour filer vers le volume d'eau qui n'était plus qu'à quelques mètres maintenant. La boule compacte d'eau se brisa en milliers de gouttelettes  à l'instant même où elle fonça dans mon mur de vent si épais que je ne voyais plus très bien ce qu'il se passait. Je vis la Maîtresse de l'eau tendre sa main pour reconstituer sa masse aqueuse et je profitai de cela pour entourer ce qu'elle avait créée de mon vent.

Il s'ensuivit ce qu'il me parut de longues minutes de luttes où mon adversaire et moi étions tendues à l'extrême et où le stade complet semblait attendre ce qu'il allait se passer. Je poussais avec l'aire l'eau vers elle et elle essayait de pousser dans l'autre sens. Je puisais mes ressources dans mes proches, j'imaginais l'appuis de mes parents sur mes épaules. En voyant les gardes, je m'imaginais mon frère me chuchoter à l'oreille que je pouvais le faire.

La boule gagna du terrain vers la métisse qui se cramponnait de toutes ses forces à sa monture. Je vis mes amies dans les gradins et je pouvais entendre les pensées d'Iris d'ici. Il me fallait réussir. Je posai ma main sur l'encolure d'Autumn qui exerça une pression contre ma paume  et qui me donna le courage de résister à la nouvelle secousse qui provenait de l'eau. Mon adversaire semblait aussi déterminée que moi à gagner ce duelle. Surtout, elle était une Maîtresse de l'élément, plus que de le contrôle, elle avait une affinité avec lui. Je sentais mes muscles relâcher et l'eau se rapprocha dangereusement de moi.

Un regard au contrebas me fit voire le Prince, il avait les mains sur la barrière du terrain et il semblait tendu comme la corde d'un arc. Il me semblait, du moins comme je le pouvais vu la hauteur où je me trouvais, que ses yeux étaient encrés dans les miens.