Chapitre 4

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Le trajet du retour se fit dans le plus grand des silences. Cette fois, je ne perdis pas mon regard sur les quais du port. Je ne profitai pas plus des échoppes de la rue principale. Je n'eus pas non plus le plaisir de regarder les vitrines avec envie. Non, mes pensées ne tournaient qu'autour d'un et même point : j'étais une des Candidates. Je ne pouvais pas centrer mon esprit sur quoi que ce soit d'autre, j'en revenais toujours au même point. J'allais devoir vivre six mois éprouvants durant lesquels je risquerais peut-être ma vie.

Les images de la pauvre métamorphe et de son amie me revinrent, je m'imaginais à la place d'une des deux et je compris à quel point la mort pouvait me saisir rapidement. Une question se faisait pourtant dans ma tête : comment ces filles avaient-elles introduit ses armes dans le palais ? Les surveillances devraient être au maximum pour ce genre de cérémonie. Ce genre de chose n'aurait pas pu se produire. Alors, il ne restait qu'une seule solution ; ils avaient laissé faire ça, peut-être que l'Invisible était alors encore présente dans la pièce. Ils nous testaient déjà, la compétition avait commencée.

-Nous sommes arrivés, me dit mon frère pour me ramener au moment présent.

Je descendis de l'habitacle de la calèche lentement, mes jambes menaçaient de me faire tomber à chaque instant. Mon corps ne supportaient plus le trop-plein d'émotion. Mes talons claquèrent sur les pavés de la rue, quelques regards se tournaient vers nous. Je relevai un peu ma robe pour éviter de la salir. Ma mère, d'un bras protecteur, me tira à elle et me fit avancer vers la maison. Elle plaça sa main sur la porte de bois et les rouages habituelles se firent entendre. Le battant pivota et nous pûmes entrer dans la maison, mon frère et mon père sur les talons. Aussitôt la porte claquée, ma mère se jeta dans mes bras se laissant enfin aller aux effusions interdites en public.

-Oh ma pauvre chérie, je suis si désolée, pleura-t-elle dans mes cheveux.

Ses sanglots me serrèrent le coeur pendant que je l'étreignais de toutes mes forces. Mon père, moins sentimental, posa une main tendre sur mon épaule et la serra. Ma mère ne me lâcha que pour me reprendre de plus belle dans ses bras en bredouillant des paroles de réconforts confuses.

-Ca n'aurait jamais dû arriver, je n'y reviens pas. Ma pauvre enfant, il va falloir être forte.

J'acquiesçait plus pour elle que pour moi, de nous deux elle était sûrement la plus inquiète. Enfin elle s'écarta, le trait noir qui aurait dû souligner ses beaux yeux ambrés avait coulé sur ses joues rougies. Sa coiffure encore impeccable il y a quelques secondes ressemblait maintenant à un chantier de cheveux auburn. Je ne voulais pas penser à l'image que je renvoyais, moi.

Je montai les escaliers de notre charmante maison et laissai mes doigts glissés sur la rampe, peut-être que ça serait la dernière fois que je gravirais ces marches. Mes jambes pesaient aussi lourd que du plomb, j'avais l'impression de traîner toute ma tristesse et mon angoisse derrière moi. Une fois à l'étage, j'ouvrais la porte de ma chambre en dessinant des symboles dessus. Le premier ressemblait à une croix avec une vague qui la traversait, le deuxième était semblable à un "E".

La porte s'ouvrit et je me laissai aller à un moment de tristesse. Je glissai contre le battant et remontait mes genoux contre ma poitrine. J'encerclai mon buste de mes bras pour essayer de me consoler. Il ne fallait pas se laisser abattre, je n'aurais aucune chance de survivre comme ça. Je m'autorisais quelques minutes de larmes, je m'apitoyais même sur moi-même. Je n'avais jamais sérieusement envisagée la possibilité d'être élue par la coupe. On m'avait répété depuis toujours que j'y échapperais, les chances étaient trop minces. Ma mère avait même eu un entrevu avec la Reine en personne lorsque la nouvelle du report du mariage du prince avait été annoncée et quand elle était rentrée elle m'avait assurée que ça ne changerait rien et que je ne serais pas choisie. J'aurais dû savoir que les chances, mêmes si elles étaient moindres, étaient bien réelles. Si je m'étais préparé à cette idée plus tôt peut-être me paraîtrait-elle moins horrible en cet instant.l

Le Royaume de NeldaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant