Chapitre 37

15 1 0
                                    

La reine, les cheveux en bataille plein de feuilles et la robe à moitié déchirée, apparue derrière nous. Même avec cette accoutrement elle paraissait plus belle qu'aucune femme ne pourrait jamais l'être. Était-elle devenue aussi resplendissante en devenant Reine où avait-elle obtenu le trône par sa beauté ? Elle attrapa son fils dans ses bras et le serra fort contre elle. Je me sentais gênée d'être témoin de cette éloge de sentiments. J'avais comme l'impression d'assister à une scène que je n'aurais pas du voir. J'entrepris de jeter un regard par la fenêtre pour évaluer l'état de la situation et échapper aux étreintes de la Reine et du Prince. Le Roi arriva à son tour et ne se laissa pas emporter par des vagues de tendresse comme sa femme mais hocha la tête en direction de son fils d'une manière de dire : « ravi que tu sois toujours vivant ».

-Que s'est-il passé ?

Là encore la Reine ne s'adressait qu'à son fils et elle ne tourna pas une seule fois son regard vers moi. Le Prince pour toute réponse me montra dans la tête en disant qu'il ferait mieux de me ramener à ma chambre avant de parler de tout cela. La Reine tourna alors la tête vers moi pour la toute première fois et son regard me fit comprendre qu'elle remarquait tout juste ma présence. Je ne m'étais jamais sentie si invisible qu'à cet instant. Elle hocha la tête et tourna le dos pour rejoindre son mari qui était retourné parler avec ce qui ressemblait à ses gardes hauts gradés. Ils chuchotaient avec conspiration en jetant temps à autres des regards vers moi par crainte que je n'entende ne serait-ce qu'un mot de leur conversation. Je me retiens de crier que ce que je voulais était simplement savoir pour quelle raison j'avais risqué ma vie. Le Prince me tira par le bras pour sortir et la seule chose que j'entendis avant de sortir fut : « il y avait un manipulateur » et la tension qui tomba sur la pièce au même moment réussit à faire monter des frissons dans mon dos.

Dès que la porte fut fermée derrière nous je posai la question qui me pendait aux lèvres depuis un bon moment déjà :

-Qui était-ce ?

-Personne dont tu devrais entendre le nom, il ne se retourna même pas et se contenta de me tirer derrière lui sans autre mesure.

-J'ai failli mourir aujourd'hui, je pense avoir le droit de savoir qui a essayé de me tuer.

Cette fois, il ne répondit même pas et je vis les escaliers centraux apparaître au fond du couloir. Mon temps pour obtenir des réponses se raccourcit rapidement.

-Il y avait un manipulateur ?

-Tu vois ton ami Livia, nous avons des hommes comme elle ici. Ils ont détectés un manipulateur, mais réfléchis un peu ; il n'était pas du côté des ennemis.

Je me mordis la lèvre en me rendant compte de ce qu'il venait de dire. Ce n'était pas un manipulateur qui avait tenté de nous attaquer c'était moi qui avait arrêté l'homme à la peau matte par la manipulation. Je ne dis plus rien par crainte de ce que lui pourrait dire. Nous arrivâmes au pied des escaliers et son regard se perdit plus haut sur les marches. Je me rendis compte que lui aussi avait essuyé des coups et blessures. Une tâche de sang large de la longueur de mon pouce c'était étalée sur sa chemise blanche et une large griffure barrait son bras droit. Des coupures se devinaient sous les trous de son pantalon. Il brisa ma contemplation par deux simples phrases sans un regard avant de tourner les talons :

-Tu connais le chemin maintenant. Demain, tout le monde aura oublié.

Il s'éloigna à grand pas vers la salle que nous venions de quitter où tout un tas de décisions devaient être prises. Une tonne de décisions dont j'étais totalement exclue, moi et les autres filles aussi. A cette pensée je me rendis compte que pas une seule seconde je n'avais pensée aux autres. Je grimpai les escaliers quatre à quatre ne me souciant plus de mes douleurs aux jambes. Je toquai à la porte de la chambre de Livia mais elle ne s'ouvrit pas. Je ne sus que penser. Deux garraches m'attrapèrent à tour de bras et malgré leurs huit bras au total, j'échappais à leur étreinte pour tambouriner à la chambre de mon amie. Je me rendis compte que je pleurais lorsque je sentis une larme s'éclater sur ma joue. Les garraches me saisirent une nouvelle fois, avec plus de forces, puis me tirèrent vers ma chambre. Elles me déshabillèrent une fois arrivées dans la salle de bain et je les laissais me laver sans me soucier de ma pudeur. Du sang et de la boue immaculèrent la baignoire et mes cheveux étaient remplis de tout un tas de débris. Une fois que je fus aussi propre que possible et dans une tenue qui se rapprochais d'un pyjamas mais avec beaucoup de dentelle, elles me couchèrent et m'apportèrent un plateau repas. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était mais lorsque je vis les bouchés de fromage frais et de légume mais aussi les boulettes dont la fumée remontait allèchement jusqu'à mes narines, mon ventre poussa un gargouillement comme il ne l'avait encore jamais fait. Les garraches ne firent aucune remarque et se contentèrent de pousser un verre avec une substance étrange à l'intérieur Je ne pouvais qu'imaginer de quoi il s'agissait. Cela ne faisait presque aucun doute que cette chose allait sûrement m'endormir avant de tenter de m'enlever mes souvenirs. Les paroles du Prince prenaient alors tout leur sens. Demain, j'allais devoir faire comme si aucun souvenir ne me restait.

J'avalais lentement le contenu de mon assiette et ne m'arrêtai uniquement quand mon ventre fut entièrement repu. J'attrapai ensuite mon verre avec une main tremblante sous les regards pesants des garraches. Juste avant de fermer les yeux sous les effets du médicament, un dernier souvenir remonta. Les deux yeux de l'homme à la peau brune, ambrés presque jaune, qui s'enfonçaient dans les miens juste avant qu'il ne murmure : « Elea... ». Il me connaissait.

Le Royaume de NeldaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant