Je me laissai tomber en arrière dans la couchette en dessous de la mienne maintenant inoccupée. Je ne savais pas où était passée l'autre courageuse choisie avec moi mais je me retrouvais seule dans la pièce. Je ne savais plus si on devait l'appeler le dortoir des courageuses, l'ancien ou encore avec un autre nom. Je préférais ne pas lui donner de nom pour ne pas réfléchir à ce qui venait de se produire. Mes amies étaient parties, et elle ne reviendraient plus. Je ne m'étais jamais sentie aussi seule de toute ma vie. Un souvenir confus remonta à la surface à cette pensée. Je me rappelai cette fois où j'étais arrivée pour la première fois chez moi. Pouvais-je encore appeler mon ancienne maison un chez-moi ? Y retournerais-je seulement un jour ? Je chassai ces pensées et me replongeai dans le souvenir, désireuse d'échapper à ma réalité.
J'étais jeune, encore un nourrisson. Je ne saurais expliquer comment ce souvenir persistait dans ma mémoire. Les images étaient vagues, les formes confuses, pourtant, un sentiment venait frapper mon cœur dès que je repensais à cette nuit. J'étais arrivée chez Nessa et son mari dans un landau avec un sac rempli de souvenir qui ne resteraient pas. Ceux que j'avais toujours appelé « mes parents » et que j'avais considérée comme tel ne l'étaient pas. Je le savais, j'étais consciente de cela, consciente que mon frère n'était en réalité pas mon frère et que je n'avais peut-être même aucun lien de sang avec eux. Pourtant, c'était ma famille et peu importait que nous ne partagions rien de plus que des sentiments.
Je repensais à ma première nuit dans cette chambre qui m'avait dans un premier temps effrayée alors que j'essayais de m'endormir dans cette maison qui n'avait rien à voir avec tout ce qui m'était familier. Je me rappelais encore les ombres dansantes sur les murs que j'avais cru être des monstres. Je me rappelais avoir pleuré toute la nuit et toutes les nuits suivantes, faisant accourir Nessa vers moi. Elle avait beau me prendre dans ses bras, la vérité était que je ne reconnaissais pas ma mère en elle. C'était difficile de se dire cela alors même que je n'avais pas la moindre idée de ce à quoi ma mère ressemblait. La seule chose qui me sautait à l'esprit quand je pensais à elle c'était deux yeux d'une couleur si ravissante qu'on aurait pu croire que c'était des pierres précieuses. Mon père en revanche faisait ressortir une image bien différente. Je me rappelai simplement de sa barbe dans laquelle je passais bébé mes mains potelées et les rides naissantes aux coins de ses yeux quand il riait. Je n'avais plus rien d'autre. Leurs prénoms ? Je ne les connaissais pas. Ce qu'ils étaient ? Je ne savais qu'une chose : c'était des manipulateurs et ils n'étaient plus là. Je ne savais pas si ils avaient fuis ou s'ils avaient été exclus. Je ne savais que ce dont je me souvenais.
Je n'avais jamais pu tiré quoi que cela soit de ma « nouvelle famille ». Je ne savais pas d'où mes parents adoptifs connaissaient mes vrais parents. Ils n'avaient jamais voulu me dire quoi que ce soit à ce sujet. C'était encore plus tabou de parler de cela que d'évoquer la sélection des candidates. Je pouvais largement écrire sur une demi-page tout ce que je savais sur mes origines. Je savais être une manipulatrice et on m'avait toujours appris ne pas l'utiliser or de mes entraînements secrets. Je savais que je ne devais jamais, au grand jamais rencontrer la Reine en personne et je savais aussi que je ne devais révéler mon secret à personne. Lors de mon séjour ici j'avais transgressé à peu près toutes ces règles.
Ma situation actuelle me rappelait ce moment-là de ma vie. Où je m'étais retrouvée seule, coupée de tout ce qui m'était familier. Ici, j'étais seule dans le dortoir et les seules personnes qui se rapprochaient le plus d'une famille pour moi venaient de partir.
Je me relevai instantanément à cette pensée, un mince sourire aux lèvres. Non, tout n'était pas parti. Il me restait Autumn qui patientait dans l'Ecurie royale. Je mis ma cape sur mes épaules et sortie en trombe du dortoir, excitée à l'idée de retrouver mon compagnon. Je traversai les jardins en remarquant que le ciel c'était largement éclairci depuis les temps glaciales que nous avions connus. Il ne restait plus que quelques semaines avant que la saison chaude n'arrive, et c'était exactement le moment où tout ceci devait se terminer.
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Le Royaume de Nelda
خيال (فانتازيا)La Coupe du Jugement a fait son choix, les noms des cents meilleures filles du Royaume sont sortis. Qu'elles soient des Iles Centrales, des Terres du bas, des Montagnes Lointaines ou d'autres îles elles sont toutes entraînées malgré elles dans la mê...