Chapitre 5 - Jimin

581 53 13
                                    

Je me ressers un peu de riz et enfourne un morceau d'omelette. Alors que je mâche, mon regard se perd dans l'observation de Tae. Il se gave comme s'il n'avait pas mangé depuis une éternité ou si c'était un repas de gala. Cependant, il est clair que je suis loin d'être d'un grand cuisinier. Je sais faire la base, de quoi ne pas mourir de faim, mais ça s'arrête là.

— Merci, Jiminie ! C'est trop bon, me félicite-t-il, la bouche pleine.

Un sourire apparaît sur mes lèvres, heureux de le voir ainsi. Nous continuons de manger tout en discutant de tout et de rien. Tae m'explique son emploi du temps habituel. C'est quelqu'un qui aime faire la fête, mais il est aussi incroyablement sérieux quand il s'agit de sa musique.

— Je suis désolé, je ne suis pas très marrant en ce moment, conclut-il en baissant la tête. Depuis qu'on a commencé les répétitions pour le concert de Noël, je me dois de...

— De jouer les moines bouddhistes ! terminé-je pour me moquer de lui.

Il lève les yeux au ciel, mais esquisse malgré tout un sourire en coin. Je ris.

— Ne t'inquiète pas. Je suis pas trop d'humeur à faire tous les bars de Séoul de toute manière ! lui affirmé-je. Un peu de calme et de musique classique me feront le plus grand bien !

Sur ces mots, mon ami commence à me parler de sa future prestation. Je pourrais presque apercevoir des étoiles dans ses yeux. Mon attention est détournée par mon écran de téléphone qui s'allume, ayant eu une notification. Un tweet d'un chanteur que j'apprécie. Rien d'important. Mais ça me fait penser que je n'ai toujours rien reçu de la part de Ji-Soo. Je déglutis.

— Tu as des news de Ji-Soo ? demandé-je de but en blanc.

— Bien sûr. Je l'ai même vue le weekend dernier.

Il s'essuie la bouche avec une serviette en papier et continue :

— Pourquoi ?

— Non, comme ça...

Je hausse les épaules et abandonne mes baguettes sur la table, à côté de mon bol. Mon regard fixe le paysage extérieur par les baies vitrées, mais je n'aperçois rien en réalité. Mon esprit est complètement tourné vers Ji-Soo.

Ji-Soo était la dernière de notre trio infernal. Nous l'avons rencontré la première semaine au lycée. Ça a matché direct entre nous et les professeurs s'en sont vite mordus les doigts. Nous n'avons jamais été insolents ou manqué de respect volontairement, mais nous étions un peu trop enthousiastes. Ils n'en pouvaient tellement plus de nous qu'ils nous ont séparés lors de notre dernière année.

Elle est la seule fille que j'aimerais de toute ma vie. D'un amour platonique, mais sincère. Malheureusement, il en allait autrement pour elle et je devais en être responsable. J'ai toujours été tactile et proche d'elle sans lui avouer qu'il ne pourrait jamais y avoir plus entre nous. J'aurais dû être honnête plus tôt avec elle. Quand je lui ai appris que je partais ainsi que mes raisons, c'était trop pour elle. Elle s'est contentée de me dire froidement :

— Tu me tiendras au courant si tu reviens à Séoul, on ira peut-être se boire un café.

J'ai mis longtemps à comprendre que je l'avais blessée ce jour-là. J'ai tenté à plusieurs reprises de la contacter, principalement pour m'excuser, mais je n'ai jamais eu de réponse.

J'ai décidé de ne rien dire à Tae, il aurait été brisé d'apprendre que notre trio n'existait plus. Et Ji-Soo a, semble-t-il, fait la même chose de son côté. Sinon il m'en aurait parlé. Tae ne peut pas me cacher des informations aussi importantes.

Alors, qu'elle ne réponde pas à présent n'est pas une énorme surprise pour moi... Mais j'aurais aimé que cela se passe autrement. J'avais l'espoir que trois ans étaient suffisants pour qu'elle puisse me pardonner.

— Elle est en voyage d'affaires pour son entreprise en ce moment, poursuit Tae. Mais à son retour, il faudra qu'on se fasse une soirée comme au bon vieux temps !

Je me contente d'un Hum à peine audible. À des milliers de kilomètres, c'était simple de cacher la vérité à Tae, mais maintenant, ça va être bien plus complexe. Je renifle et me lève, en apportant mes affaires. J'emmène le tout dans la cuisine où je commence à laver la vaisselle.

Même si je sens le regard de mon ami se poser sur moi à de nombreuses reprises, nous ne parlons plus. J'essaie de trouver un moyen de tout lui dire ou alors d'échapper à ses retrouvailles dont il rêve. Mais rien ne me vient. Je ne sais pas mentir à Tae. Je grogne en me rendant compte de ça.

— Je peux m'en occuper, si tu veux ! me dit Tae, toujours assis à sa place.

— Non, je...

Je baisse le regard sur mes couverts. Je n'ai fait que nettoyer le même bol depuis tout à l'heure. Je suis une catastrophe. Je relève la tête quand Tae reprend la parole :

— J'ai remarqué tes yeux rouges...

Il ne me regarde pas. Il coupe un morceau d'omelette qu'il mange ensuite.

— Je sais que...

Il avale et se laisse aller sur sa chaise.

— Je sais que tu me diras rien. Tu es comme ça mais s'il te plaît...

Cette fois, il plonge ses yeux dans les miens et déclare, sérieux :

— Prends soin de toi.

Je ricane, mal à l'aise d'être si transparent face à lui. Ce n'est pas surprenant.

— Merci, Tae !

Je le rejoins et le prends dans mes bras. Je lui embrasse la tempe alors qu'il tente de s'échapper de mon étreinte.

— Sors d'ici, Jimin ! Je ne veux plus te voir, marmonne-t-il.

Je lui ébouriffe les cheveux et m'en vais comme il me l'a dit après lui avoir souhaité une bonne nuit. Pendant une éternité, je prends une douche pour me détendre. Je retourne dans ma chambre, une serviette enroulée autour du bassin.

Après avoir fermé les rideaux, je vais m'allonger sur mon lit. Les yeux fixés sur le plafond impeccable, je ne peux m'empêcher d'être énervé par le comportement de Ji-Soo. Alors que j'essaie d'arranger les choses, j'ai la sensation qu'elle fait tout pour nous éloigner. Je suis perdu.

Je comprends que toutes les révélations que je lui ai faites ce jour-là lui ont fait un choc. Cependant, je n'imaginais pas qu'elle ne me parlerait plus. Elle n'est pas homophobe, c'est une certitude. J'ai passé assez de temps avec elle, pour en être sûr. Alors pourquoi ne peut-elle pas répondre à mes fichus sms ?

Dans un élan spontané, j'ouvre à nouveau le fil de messages et lui écris :

A : Ji-Ji
Je sais que j'ai mal géré les choses
à l'époque et je m'en suis excusé
plusieurs fois. Je ne pensais pas
que connaître cette facette de moi
te ferait autant de mal et surtout
te ferait couper les ponts. Avec
Tae, vous êtes les personnes les
plus importantes de ma vie. Je ne
veux pas te perdre juste pour une
histoire de sexe. Tu comptes toujours
pour moi. On pourrait essayer de
réparer les choses, non ?

A : Ji-Ji
Tu me manques Ji-Ji...

Je verrouille mon téléphone et souffle à fond, satisfait de lui avoir dit ce que je pensais.

Boy(s) with luv | JikookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant