Chapitre 50 - Jay

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Si j'avais été seul, j'aurais fait demi-tour une bonne dizaine de fois. Cependant, Hobi et Nam me retiennent à chaque fois que ma détermination se fait la malle. Ils m'encouragent, me motivent comme avant un match. J'aimerais tellement que ce ne soit que ça. Que je doive seulement entrer sur un terrain de baseball et lancer une balle devant des milliers de personnes. Ça serait plus simple que faire face à une seule. La plus importante. Jimin.

Je m'arrête une nouvelle fois au milieu de la rue. Mes mains tremblent de peur et une sueur froide coule le long de ma colonne vertébrale. Je me mordille la lèvre alors que j'observe mes amis continuer d'avancer sans s'être rendu compte que je ne les suivais plus. Mon corps est si angoissé qu'il est incapable de bouger pour rentrer chez moi.

— Je ne peux pas, murmuré-je. Je peux pas faire ça.

Ils ne m'ont pas entendu, c'est une certitude mais ils réalisent enfin que je ne suis plus à leurs côtés. Hobi se tourne vers moi, une petite moue de pitié peinte sur ses traits. Nam, lui, a le visage fermé, il ne me laissera pas me dégonfler. Il revient sur ses pas et me demande :

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je... je reprends mon souffle.

Il ricane à mon mensonge.

— Tu as raison, les deux cents mètres qu'on a faits en dix minutes ont dû te fatiguer, dit-il ironique.

Entre-temps, Hobi nous a rejoint. Il donne une légère tape sur le bras de Nam en le foudroyant du regard ce qui ne lui vaut qu'une levée d'yeux au ciel. Il se tourne vers moi et d'une voix douce, m'interroge :

— Tu as peur de quoi ?

— Hobi ! grogne la montagne qui me sert d'ami.

Le dénommé lui présente son index pour lui signifier de se taire. Mais il n'a pas tort, Nam. Nous savons tous les trois ce qui m'angoisse à cet instant et pourtant, il attend ma réponse. Je soupire.

— De le perdre quand il saura.

Il prend mon visage en coupe et murmure :

— Il comprendra la situation.

— Mais s'il ne veut pas entendre mes explications ?

Nam pousse Hobi qui me lâche et prend sa place. Ses mains à lui, se posent sur mes épaules. Il n'a pas la douceur de l'instituteur mais il a le mérite de me garder ancrer à la réalité.

— Tu vas aller dans ce café parce que tu sais que, même si c'est difficile pour toi, c'est la seule solution.

Je hoche machinalement la tête alors qu'il poursuit :

— En disant tout aujourd'hui, tu risques peut-être de le perdre mais tu as une chance de le garder auprès de toi une fois qu'il aura digéré. Alors que si tu attends et que tu continues à lui mentir, il finira par te quitter définitivement.

Je baisse le regard, ne voulant pas faire face à cette vérité que Nam me balance.

— Je suis désolé, Jay, souffle-t-il, mais il mérite que tu lui dises tout.

— Je sais...

— Tu n'as rien fait de mal, intervient Hobi. Il le comprendra, j'en suis sûr. Peut-être pas aujourd'hui mais en prenant du recul, je suis sûr que tout s'arrangera.

Je me passe une main dans les cheveux. Après un j'espère chuchoté, je leur fais signe que nous pouvons reprendre notre chemin. La peur est toujours bien là, au fond de mon estomac, me donnant presque envie de vomir mais comme l'a dit Nam, me rendre dans ce restaurant est ma seule chance de garder Jimin dans ma vie sur le long terme.

Nous arrivons à destination bien plus rapidement que je ne l'aurais voulu. S'il n'y avait pas cette angoisse, je les aurais prévenus qu'ils allaient rencontrer le plus bel homme de la planète. Cependant, je ravale ma fierté que Jimin se soit intéressé un jour à moi et prends mon courage à deux mains en poussant la porte de l'établissement.

La main de Hoseok m'offre une caresse dans le dos alors que j'entre. Mon regard cherche, paniqué, si Jimin est déjà arrivé. En une poignée de secondes, je l'aperçois assis à une table au fond de la pièce. Deux jeunes hommes sont avec lui, un à sa droite parait plus vieux que nous. Le second me tourne le dos. Je retire alors le masque que je portais à l'extérieur.

Jimin a dû entendre la porte parce qu'il tourne la tête vers moi et nos yeux s'accrochent. Je peux voir la succession de ses émotions. La peur, la joie, la surprise et à présent l'incompréhension. Ses sourcils se froncent. Il se relève lentement et je ne peux m'empêcher de laisser mon attention glisser sur son corps. Il porte un jean bleu clair, un pull fin noir sous une veste en cuir de la même couleur. Il est incroyable.

— Je... Qu'est-ce qui se passe ? souffle-t-il, perdu.

Il passe une main dans ses cheveux, nerveusement.

— Jeon Jungkook ? C'est lui ton Jay ? s'étonne l'un de ses amis.

Mon cœur a un petit raté de bonheur. Ces petites questions me prouvent que Jimin et son entourage ne savaient vraiment pas qui était Jay. Mais aussitôt, mon plaisir s'évanouit quand la colère prend le dessus chez Jimin.

— C'est quoi ce bordel ?

— Je...

Il se tourne vers le brun qui a parlé et les bras croisés, lui demande :

— De quoi tu parles ?

— Bah...

Il semble hésiter une seconde puis explique nonchalamment :

— C'est Jeon Jungkook et Kim Nam Joon, deux joueurs de baseball de l'équipe de Séoul.

Jimin ricane, amer. Il reporte son regard noir sur moi.

— Tu joues un peu au baseball, hein ? crache-t-il.

Je baisse la tête, honteux de ce mensonge.

— Tu t'es bien foutu de ma gueule en fait...

— Non, me défendé-je lamentablement en me redressant.

— Oh si ! Et en beauté.

Son rire jaune résonne à nouveau. Il contourne la table à laquelle il était installé et s'approche, déterminé. Mon angoisse refait surface. J'ai peur de ce qu'il va faire, ce qu'il va dire.

— Tu es qui réellement ? m'interroge-t-il, en s'arrêtant à une distance respectable.

— Jay, chuchoté-je.

— Non, tu ne l'es pas. Tu ne l'as jamais été. Tu m'as menti, manipulé et tu as joué avec moi !

— Jamais, Jimin.

Sa main frotte son visage. Il ne m'a jamais paru aussi fatigué qu'à cet instant.

— Si. Et tu le sais aussi bien que moi. C'est pour ça que tu as agi comme ça cette semaine.

Son regard balaie mon corps avant qu'une légère grimace déforme ses traits. Cette réaction me brise le cœur.

— Je ne veux plus jamais avoir de contact avec toi, déclare-t-il.

Sur ces mots, il me contourne, passant entre Nam et moi et sort de l'établissement. La porte claque derrière lui et le silence est assourdissant. Mes paupières se ferment avec force pour retenir mes larmes. Je les rouvre et j'ai à peine le temps de voir le brun qui n'a pas encore parlé devant moi. Son bras se lève et son poing atteint ma pommette.

— Contrairement à toi, je fais ce que je dis. Je t'avais prévenu que je t'en foutrais une si tu lui faisais du mal.

Tae.

Il n'attend pas une possible réponse de ma part et se précipite dehors pour rejoindre Jimin. Je déglutis, le regard dans le vide. Ma vue devient floue. Je ne vois plus rien. Même la douleur de ma joue n'efface pas celle de mon cœur.

Je viens de le perdre comme j'en avais peur...

Boy(s) with luv | JikookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant