CHAPITRE 23

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PARIS, BOULEVARD DU PALAIS DE L'ÎLE DE LA CITÉ, TGI

SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2012, 8 H 38

Monica se réveilla en sursaut, la tête emplie d'atroces images. Elle se redressa et réalisa qu'elle était encore au bureau. Ses dossiers lui avaient servi d'oreiller. La lumière de l'aube caressait son corps endolori. Elle passa une main dans ses cheveux. Tenta de se redonner une contenance. Le pli d'une feuille était imprimé sur sa joue. Monica rassembla ses documents. La porte s'ouvrit vivement sur Juliette. Sa greffière sursauta – émotive. Elle lâcha ses documents. Les feuilles s'envolèrent et se mélangèrent à même le sol. Juliette baragouina quelques mots, se confondant en excuses :

— Oh... madame la juge... Je ne savais pas que vous étiez... attendez, vous avez les mêmes vêtements que hier ? Tout va bien ?

Monica arbora un sourire rassurant. Elle argua avoir découché. Ça valait mieux qu'admettre la vérité. Sa voix enrouée trahit son réveil récent. Sa greffière piqua un far.

— Je vous réveille ?

Monica ouvrit de grands yeux. Cette fois, elle n'avait pas de mensonges préfabriqués ou autres sornettes à déballer. Sa greffière ramassa avec maladresse les fiches sur le sol et quitta la pièce. Monica sentit son chemisier. Une forte odeur de transpiration s'en échappait. Une grimace étira ses rictus. Sa jupe portait les plis de sa nuit.

Cette fois, Éric entra comme une furie. Il s'arrêta brusquement, huma grossièrement l'air et lâcha :

— Ça sent bizarre, non ?

À en croire que la réponse était écrite en majuscule sur sa tête, Éric éclata de rire. Il tira la chaise en bois face au bureau et chut lourdement. Monica frappa son épaule en guise de rappel à l'ordre.

— Vas-y dis-moi, t'as pioncé au bureau ?

— Visiblement, oui.

— Alors lève-toi, je t'emmène déjeuner en ville.

— Pas dans cette tenue ! Regarde-moi !

— Tu es très bien...

Monica capitula. Elle n'avait pas la force de riposter. Elle s'appuya sur Éric pour enfiler ses chaussures à talons hors de prix. Elle chancela quelques secondes, à la recherche de son équilibre. Éric chuchota :

— Tu sais en matière de tenue, je t'ai vu dans des états bien pires.

— Ça n'avait rien à voir, se défendit la brune.

— Si tu veux. Juste pour te dire que tu es toujours belle !

Monica eut bien du mal à dissimuler son sourire. Elle suivit Éric à travers le dédale de couloirs du TGI. Heureusement, ils ne croisèrent personne.

☦︎

Le couple était installé au fond de la salle. Une table majestueuse se dressait devant eux. Des toasts, de la confiture goût fraise, du nutella, du jus multifruit orangé, du café, du thé, du bacon, des haricots rouges, des œufs pochés. Monica s'en pourléchait les babines. Elle n'avait rien mangé de semblable depuis des semaines. Éric la fixait, attentionné et protecteur.

— Bon alors, tu vas me dire ce qui va pas ?

Monica arqua les sourcils. Perplexe. Elle avait déjà la bouche remplie de bacon.

— Pourquoi tu as dormi au bureau ?

— J'ai travaillé tard, se défendit-elle en levant les mains en guise de paix.

— Ça te ne ressemble vraiment pas du tout... ironisa-t-il.

— J'ai récupéré un dossier en provenance de Russie.

Supplices de Toundra - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant