CHAPITRE 93

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MOSCOU, PLACE LA LOUBIANKA, SIÈGE DU FSB

JEUDI 6 DÉCEMBRE 2012, 21 H 19

En cet fin d'après-midi, c'était l'effervescence dans les bureaux du FSB. Plutôt dans le local de la cheffe du Bureau M. Le dossier de quarante-cinq mètres étaient empilés en plusieurs tomes. Des documents, des pièces à conviction, des preuves : témoignages ou photos. Ses recherches, ses investigations, ses recoupements et ses filatures avaient fini par porter ses fruits. Elle était parvenue à boucler l'affaire Obolensky. Le dossier s'étendait de Russie en Europe, comportait des liens avec une dizaine de pays. Un réseau de prostitution démantelé, des filles mineures, des actes de tortures et de barbarie, des pratiques sadomasochistes... le tout rapportait des millions sur le darkweb. De quoi proposer le plus gros scandale moral de tous les temps sur la scène internationale. Cette affaire serait connue de Tokyo à Mexico. L'agent jubilait intérieurement. Smirnova avait fait porter la totalité des cartons dans son bureau. Elle souhaitait y jeter un dernier coup d'œil, y apporter les derniers éléments concernant Pichtchalnikov. Le chasseur de Tchétchénie. Vassiliev lui avait sorti tous les éléments sur le criminel de guerre sans se douter de quoi que ce soit. Smirnova termina de tamponner la photo de P14. Finalement, elle y voyait les ressemblances et c'était plutôt flagrant désormais. Ce même regard, ces mâchoires carrées et cette peau labourée de cicatrices. Smirnova se pencha vers le téléphone fixe. Elle composa la ligne personnelle du chef d'État. Une sonnerie. Deux. Trois.

— Medvedev ! répondit la voix bourrue du Tsar au bout du fil.

— Ici, Smirnova. J'ai de nouvelles informations à vous transmettre et elles sont, pour ainsi dire, édifiantes.

— De quoi s'agit-il ?

— Je viens d'achever l'enquête sur CHT, Nikolaj Kotov... ou plutôt devrais-je dire Pichtchalnikov, alias P14, alias le chasseur de Tchétchénie, alias F5.

— Très bien, agent Smirnova. Vous passerez à la dernière étape ce soir. Cette histoire ne doit pas compromettre l'intégrité du FSB, vous y veillerez personnellement. Vous réglerez ça en interne et vous étoufferez l'affaire auprès de la presse Je compte sur vous.

— C'est comme si c'était fait, monsieur.

— Oh et Smirnova, transmettez-moi le dossier que vous avez confectionné sur CHT.

— Très bien, monsieur.

— Rompez, agent Smirnova.

La cheffe du Bureau M raccrocha. Une fois hors d'atteinte, elle s'affala dans son fauteuil en poussant un long soupir. Un sourire extatique planait sur son visage. Elle réfléchit quelques secondes, comment agir ? Le Tsar n'avait donné d'ordre direct que très rarement... ni l'avocat, ni le colonel, encore moins cette journaliste. L'ombre planait encore sur ces affaires, le mystère était entier. Procéder dans l'ordre : envoyer le dossier à Medvedev. Une fois encore, elle passerait par Sergeï Romanov. Son indicateur, digne de confiance, ferait parvenir au Tsar les archives sans mal et personne ne le soupçonnerait de quoi que ce soit. Elle composa le numéro du nouveau téléphone prépayé :

— Smirnova, que me vaut l'honneur de ton appel ?

— Romanov, tu as reçu ce que je viens de t'envoyer par mail ?

— Oui, j'ai reçu plusieurs documents audio, vidéo et text. C'est ça ? vérifia Romanov.

— C'est ça.

— Qu'est-ce que c'est encore que ce dossier ?

— Ne pose pas de question, contente-toi de transmettre tout cela à Medvedev. C'est lui-même qui m'a demandé que je les ai communique, expliqua Smirnova.

Supplices de Toundra - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant