CHAPITRE 56

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SAINT-PÉTERSBOURG, PLACE DU PALAIS

SAMEDI 27 OCTOBRE 2012, 10 H 18

Deux roues sur le trottoir, le vieux tacot noir était garé place du palais. À l'intérieur, Smirnova avait allongé le siège et s'y enfonçait profondément. Un journal ouvert la dissimulait partiellement. Elle lisait les nouvelles du jour à Saint-Pétersbourg... ou plutôt celles de la veille. En réalité, elle planquait. Elle avait passé la première partie de la nuit dans sa voiture, garé à cette place. Durant la seconde, elle avait roulé jusqu'en banlieue, où elle avait retrouvé l'un de ses indics de Saint-Pétersbourg dans une ruelle malfamée. Elle n'avait pas appris grand-chose, si ce n'est que le commissariat de la ville avait récupéré plusieurs signalements correspondant à des filles d'Obolensky. Elle leur avait rendu une petite visite à l'aube, avec des croissants et sa carte de la police politique. Les agents de police lui avaient permis de jeter un œil aux archives. Rien d'intéressant. À huit heures, elle était revenue se poster sur la place du palais. Elle attendait. Une heure, puis deux. Elle ne l'avait pas loupé, c'était impossible. Soudain, la porte du somptueux hôtel s'ouvrit. Un duo en sortit, bras dessus-dessous. Elle les reconnut : Monica Klein et Mattias Mercadier. Elle s'enfonça encore un peu plus dans son siège, les suivit d'un regard averti. Soudain, le brun tourna la tête dans sa direction. Leurs regards se croisèrent un instant. Elle comprit. Il l'avait reconnu. Un long frisson la parcourut, elle détourna le regard et se remit à sa lecture. Elle tourna la clé dans le contact et fit chauffer le moteur quelques secondes. Elle regarda où ils marchaient. Elle démarra la voiture et commença à rouler au pas. À une dizaine de mètres d'elle, le couple bifurqua dans une ruelle animée. Elle allait les perdre si elle ne pressait pas l'allure. Elle amorça une manœuvre, tourna. La voiture ne bénéficiait pas de la direction assistée. Kotov lui avait demandé de filer la Française. Il pressentait quelque chose, elle n'était pas claire et il ne voulait rien laisser passer.

Les minutes défilèrent. Elle suivit le duo, espionna leurs moindres faits et gestes, nota les enseignes de magasins dans lesquels ils entraient. Tout ceci avec le plus de discrétion possible. Elle remonta la rue à sens interdit. Soudain une horde de touristes passa devant elle. Elle perdit le duo des yeux. Eh merde ! Elle serra les dents, frappa le volant en cuir usé et jura sur ces connards. Soudain, on toqua à sa fenêtre. Elle sursauta, tourna machinalement la tête. Ses yeux de glace n'exprimaient rien. Aucune émotion, aucune lumière, aucune âme. Un flic en treillis se tenaient devant sa portière :

— Madame, vous ne pouvez pas rester là. C'est une rue à sens unique. Je vais vous demander de recu...

— Au diable, vous savez qui je suis ? Regardez !

Pour appuyer ses propos, elle lui fourra devant le nez sa carte de la police politique. Elle était connue à travers la Russie pour ces exploits. Elle inspirait l'envie mais également la peur. L'homme recula et ouvrit ses mains en signe de paix.

— Excusez-moi, agent Smirnova, je ne savais pas que c'était vous.

— J'effectue une opération de filature, espèce d'abruti sans nom !

L'homme s'éloigna sans aucun mot dire. Smirnova poussa un long soupir. Aucun répit, son portable de permanence retentit dans l'habitacle. Elle le saisit d'une main tremblante. Il n'y avait que Kotov qui se servait de ce numéro.

— Smirnova, j'écoute.

— Enfin, j'arrive à te joindre. Qu'est-ce que tu foutais sans déconner tout à l'heure ?

— Je file la Française. Qu'est-ce qui a ?

— J'ai des informations à te transmettre correspondant Sevastiana Oulianova ou Magda Osman...

Supplices de Toundra - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant