CHAPITRE 69

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MOSCOU, 45, RUE BOL'SHAYA YAKIMANKA, AMBASSADE DE FRANCE

LUNDI 19 NOVEMBRE 2012, 15 H 51

Une nouvelle journée maussade s'annonçait glaciale. La ville était enveloppée dans une espèce de voile dense. Monica alluma le MacBook pro silver sur le bureau. Elle ouvrit un nouveau document texte et descendit dans la salle de conférence. Elle s'installa sur le fauteuil en peau de bête, croisa ses cuisses l'une sur l'autre et vérifia l'heure sur le cadran de sa montre. Il n'était pas tout à fait l'heure encore. Elle avait demandé son aide à Lombard. Ici, en Russie, elle n'avait quasiment pas de pouvoirs d'enquête si ce ne fut les auditions. Elle avait donc dans l'idée d'en profiter en auditionnant toutes les personnes nécessaires à la manifestation de la vérité. Victor Obolensky, les témoins de ce club, Viktoria Osman-Obolensky, le Corbeau, ses homologues au parquet. Lombard passa sa tête dans l'embrasure de la porte :

— Madame Klein, j'ai reçu la confirmation que la voiture de votre rendez-vous était arrivée. Je vais les accueillir et je vous les envoie sans attendre.

— Parfait, faites comme ça, monsieur Lombard.

En guise de réponse, Monica acquiesça de la tête. Elle remonta ses lunettes de repos sur son nez et écrivit un titre au sommet des deux procès-verbaux qui allaient suivre. Légèrement tremblante et impatiente, elle se leva et se dirigea vers l'immense baie-vitrée. Elle croisa ses bras sur sa poitrine. Elle replaça les pans de son chemisier pourpre sur sa peau nue et attacha le bouton de sa veste de tailleur. Ses doigts triturèrent nerveusement les boutons de manchette en or. Du plat des mains, elle lissa les plis imaginaires de sa jupe. Elle ne tenait plus en place. Tendre l'oreille, des bruits de pas résonnèrent dans le couloir. Instinctivement, elle se redressa, passa une main dans ses cheveux coiffés et se retourna. Plusieurs coups retentirent contre la porte. Une seconde. Puis deux.

— Oui, entrez.

Deux hommes entrèrent dans la pièce. Le premier était mûr plutôt petit, trapu avec un costume débraillé qui serrait son ventre bedonnant excessivement. Son visage était taillé à la hache, grossièrement. Ses cheveux coiffés en arrière renvoyaient une impression de négligence et brillaient de gel. Il portait de manière décontractée une barbe de trois jours. Ses petits yeux noirs pétillaient d'une énergie malsaine. Ses traits assurés reflétaient un quelque chose de malhonnête et de pervers que Monica n'arrivait pas à définir. Sûrement son costume ostentatoire de luxe et ses bijoux trop nombreux. Derrière lui, son exact contraire apparut dans la pièce. Une asperge de soixante kilos tout mouillé. Le crâne chauve avait les traits crispés et d'immenses cernes marquaient son visage. Il portait un costume sobre, tiré à quatre épingles. Il était le stéréotype parfait de l'homme d'affaire. Froid et vieux. Quoi qu'un peu gâteux pour ce genre d'amusement qu'on trouve dans les clubs de divertissement pour adultes. Mattias Mercadier les suivait de peu. Il hocha la tête et invita Monica à commencer. Il serait une fois de plus son interprète pour ce nouveau rendez-vous. Sans se démonter, Monica leur fit signe de s'installer dans les fauteuils à côté du canapé :

— Installez-vous, messieurs, je vous prie.

Les deux hommes s'exécutèrent. Leurs regards vicieux ne lâchèrent pas la jeune brune. Juchée sur ses talons de douze, elle les rejoignit en quelques enjambées. Elle s'installa dans le canapé, attrapa son ordinateur qu'elle plaça sur ses cuisses et amorça :

— Bonjour messieurs. Souhaitez-vous un rafraîchissement ?

Sans mot dire, les deux PDG refusèrent son offre d'un discret mouvement de la tête. Monica esquissa un sourire. Elle se voulait rassurante tout en étant ouverte face aux deux mines fermées comme des huîtres. Elle se tourna d'abord vers la grande asperge et demanda :

Supplices de Toundra - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant