CHAPITRE 95

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MOSCOU, PLACE LA LOUBIANKA, SIÈGE DU FSB

MARDI 11 DÉCEMBRE 2012, 14 H 45        

Depuis la mort du directeur du FSB, les journaux étaient sur les dents. Surtout Novaïa Gazeta qui criait encore et toujours au complot. Les journalistes responsables de cette affaire avaient tenté de découvrir la vérité au sujet de Nikolaj Kotov. Sans succès. Un colonel respectable, père d'une fille de quinze ans et époux sans problème. Il avait été blessé par un piège à loup lors d'une mission en Sibérie. Le Tsar l'avait nommé directeur du FSB en 2002, pour le remercier de son allégeance à la patrie. Cet homme était normal. Un sourire crispé barra le visage de Smirnova d'une ligne. Son regard s'enténébra. Elle avait fait du bon travail. Personne ne se doutait de ses liens avec le réseau de prostitution, ni de son passé de paramilitaire tueur de Tchétchène. Elle déposa la photo de l'homme sur le bureau et rangea toutes les preuves dans le carton dédié à cet effet. Désormais, elle seule connaîtrait la vérité derrière cette mort jugée suspecte. Elle but une gorgée de vodka et se leva. Dehors, le temps était gris, maussade. La neige était abondamment tombée. Le tapis blanc recouvrait la scène de crime et détruisait toutes les preuves. Elle ouvrit la baie-vitrée et plaça une cigarette entre ses lèvres. Une épaisse fumée bleutée s'échappait dans l'air en de grandes volutes. Dans peu de temps, elle serait nommée nouvelle directrice du département de sécurité fédéral. Tout ça lui appartiendrait pour toujours. Pourtant, il lui restait encore une chose à régler : Monica Klein. La juge française avait le don de mettre le nez là où elle ne devait pas. Elle se rapprochait dangereusement de la vérité et ça ne lui plaisait pas. Ici en Russie, on protégeait l'intégrité du pays. Une nouvelle taffe sur la cigarette l'aida à y voir plus clair. Elle devait lui faire peur, la tuer conduirait à un incident sans retour possible.

Smirnova terminait de ranger ses affaires dans divers cartons pour quitter son bureau. La sonnerie criarde de son portable de permanence retentit. Elle l'attrapa d'une pogne ferme.

— Smirnova, j'écoute.

— C'est Vassiliev, je crois que tu devrais venir. J'ai de nouvelles informations à te transmettre sur Sevastiana Oulianova, alias Magda Osman.

— J'arrive tout de suite.

Smirnova raccrocha sans en attendre la réponse. Elle glissa le cellulaire dans la poche arrière de son pantalon. Avec toutes ses péripéties, elle l'avait presque oublié celle-ci. Pourtant, Vassiliev avait continué de mener son enquête à travers divers contacts et il avait récupéré des données qui valaient le déplacement. La cheffe du Bureau M quitta son bureau et arpenta les couloirs en direction du local informatique. Elle entra à l'intérieur et salua Vassiliev de quelques mots. L'air dans la pièce sombre était irrespirable, chargé de senteurs de nourriture rance, d'hormones mâles, de foutre. Elle se positionna devant les postes informatiques articulés, bras croisés sur sa poitrine. Vassiliev fit pivoter son fauteuil vers elle.

— Ça arrive au mauvais moment la mort de Kotov. La tuile vraiment. Tu n'aurais pas une idée de qui a pu faire cela ? L'Ours ne t'a pas demandé d'enquêter sur son assassinat ?

— Je n'ai aucune idée de ce qui a pu se passer mais il est vrai que c'est la tuile. Ça ne va pas faciliter nos affaires. Pour ce qui est de Medvedev, il ne m'a pas donné de nouvelles depuis que c'est arrivé. Je pense qu'il a des choses importantes à régler ! mentit Smirnova, impunément.

— Sérieux, c'est quand même dingue...

— On ne peut pas y faire grand-chose. Ce n'est pas de notre ressort pour l'instant ! l'interrompit fermement la brune.

Le silence retomba sur eux, ponctué par le souffle des machines informatiques. Vassiliev semblait surpris du ton sec que sa cheffe avait employé. Smirnova tira une chaise près de son informaticien et demanda d'une voix blanche :

Supplices de Toundra - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant