CHAPITRE 100

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PARIS, 37, QUAI D'ORSAY, MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

VENDREDI 14 DÉCEMBRE 2012, 10 H 30

Duchamp avait sollicité une réunion de crise avec les différents protagonistes de l'affaire Obolensky : elle, l'ambassadeur de France : Lombard, le ministre de l'Intérieur : de Calbiac, le ministre de la Justice : de Villebadin, le directeur de la DGSE : la Virllamois, le brigadier : Bernard, l'agent de la DLCC : Sidonie et même la greffière de Klein : Juliette. À l'extérieur, la pluie s'abattait violemment sur la ville, frappait contre les vitres avec vigueur. Tout était gris, morne exactement comme son humeur de la journée. Elle avait pu s'entretenir avec le Premier ministre quelques jours auparavant au sujet de l'affaire Obolensky. Le chef du gouvernement était clair ; il fallait rapatrier Klein au plus vite. La défense nationale était en jeu. La jeune femme sortit à l'extérieur, resta sous le porche en retrait. Elle logea une cigarette entre ses lèvres et l'alluma. Une épaisse volute s'échappa de ses lèvres. Instantanément, la substance illicite monta à son cerveau et l'apaisa. La nicotine l'aidait à se détendre. Un léger vent lui glaça la gorge, elle rentra dans le bâtiment. Elle s'installa derrière son ordinateur et se connecta à la réunion.

Vingt minutes que tous ses invités s'étaient connectés sur la plateforme. Elle salua chacun d'eux. Son immense sourire de façade trahissait son angoisse grandissante. De Calbiac commença :

— Nous sommes tous là aujourd'hui pour parler de l'affaire Obolensky. Vous devez tous être au courant, Obolensky s'est suicidé...

— Ce qui conduit irrémédiablement à la fin de l'instruction. Nous cherchons donc à élaborer une opération de rapatriement pour Klein, termina de Villebadin.

— Avant tout, je voudrais déjà savoir comment avance vos procédures ! s'exclama Duchamp, coupant court à toutes discussions inutiles.

Tout le monde se tut. Qui allait commencer ? Que dire de la situation ? Duchamp but une gorgée d'eau minérale et désigna le premier trio :

— De Calbiac, Bernard et Sidonie, vous commencez.

— Très bien, répondit le ministre de l'Intérieur. Pour ma part, j'ai coordonné les équipes d'enquête en France. Ici, ça se joue entre Bordeaux et Paris. L'équipe de la BC de Bordeaux s'occupe de toutes les opérations sur place. Bien évidemment, tout ceci met un peu de temps. Nous avons aussi pu établir un lien solide entre le Maniaque de la Kolyma et Obolensky grâce aux données informatiques... mais ça, c'est plutôt du domaine de Sidonie.

Duchamp opina de la tête. Elle n'était plus convaincue de ces réunions. Mais Sidonie vint à la rescousse de de Calbiac :

— J'ai pu établir des correspondances bancaires et des géolocalisations qui correspondent grâce aux preuves fournies par Klein...

— Et nous, on a enfin obtenu les commissions rogatoires pour la perquise et les saisies dans l'appartement d'Obolensky. Nous allons procéder à des relevés d'empreintes digitales, aux saisies du matériel informatique, des vidéos surveillance et tous les documents qui seront utiles à la manifestation de la vérité.

— C'est vrai, je viens de leur envoyer les commissions rogatoires, madame la ministre ! répondit timidement Juliette.

Duchamp nota ses nouvelles informations sur son carnet de notes et demanda à Sidonie :

— Et vous, agent Sidonie et monsieur la Virllamois, que pouvez-vous me dire concernant la série de morts suspectes des témoins du club ? Il me semblait que Klein vous avait demandé d'effectuer des recherches.

— Tout à fait, madame la ministre ! répondit la Virllamois. Pour les services de renseignements, nous n'avons rien trouvé de suspect. Sur vos demandes, nous avons également surveillé les mouvements en Russie concernant la sécurité nationale. Rien à signaler pour nos services.

— Et vous, Sidonie ?

— J'ai récupéré des informations sur les macchabées. (Duchamp fronça les sourcils, s'apprêta à lui faire une réflexion.) Excusez mon langage. Déjà, pour la femme d'Obolensky, j'en suis sûr, elle ne s'est pas suicidée. Elle n'a pas pu se mettre une balle dans la nuque, l'angle ne correspond pas au suicide. Pour ce qui est des témoins du club, il me semble étrange qu'il se soit suicidé ou celui qui a tué toute sa famille... Pour moi, c'est une machination du gouvernement. Ils ont supprimé les témoins pour éviter qu'on obtienne des preuves qui pourraient sans doute les discriminer.

— Agent Sidonie, ce sont des accusations très graves que vous formulez là. Vous en avez la preuve formelle ?

— Non, cela relève du domaine de l'hypothèse.

— On ne peut donc s'en servir pour fonder de véritables diffamations... répondit la ministre des Affaires étrangères.

— Vous ne voyez donc pas ?! Faut pas être aveugle, c'est le FSB qui est derrière tout ça !!! Vous attendez qu'il flingue Klein ? Parce que j'en suis persuadé, c'est la prochaine sur la liste !

— Agent Sidonie, vous allez baisser d'un ton et vous calmer. Nous veillons à ce que la sécurité de la juge soit garantie. Il n'arrivera rien.

— Vous ne voyez donc pas ?! Faut pas être fou !

— Joseph ! Maintenant, ça suffit ! le rappela à l'ordre de Calbiac.

Le ministre de l'Intérieur connaissait par cœur le loustic et il savait que ce dernier prenait à cœur toutes ses affaires. Cette fois, ce fut Juliette qui renchérit :

— J'avoue qu'il n'a pas totalement tort, madame la ministre. J'ai fait quelques recherches sur la Russie et j'ai découvert qu'un colonel, un avocat et une célèbre journaliste ont été assassinés de balles dans la tête pour des raisons assez troubles et opaques.

— Maintenant, stop ! On n'est pas là pour élaborer des complots !

Derrière son écran, Sidonie articula silencieusement un merci à l'intention de Juliette. Celle-ci esquissa un sourire éclatant en réponse. Le duo semblait complice. Duchamp balaya d'un geste de la main ses amusettes et s'exclama :

— Maintenant, ça suffit les enfantillages !

Juliette et Sidonie se turent. Ils devaient élaborer un plan pour rapatrier Klein. Duchamp reprit en se mordant l'intérieur de la joue.

— Lombard, vous avez tenté de raisonner Klein ?

— Oui, mais malheureusement, elle n'est pas de notre avis. Selon elle, cette affaire comporte trop de zones d'ombre qui méritent d'être mises à jour. Grâce à Mercadier, elle a récupéré une photo chez la femme d'Obolensky. Viktoria avait une sœur...

— Avait ? demandèrent de Villebadin et Duchamp en chœur.

— Oui, elle est sans doute morte puisqu'elle a disparu de la surface de la tête. Impossible de la trouver...

— Continuez Lombard ! ordonna Duchamp qui sentait que Lombard s'apprêtait à lâcher un nouveau pavé dans la marre.

— Klein et Mercadier veulent partir en Sibérie Orientale, à la Kolyma...

— Il y en a pas un pour rattraper l'autre ! Vous ne leur donnez pas ces autorisations !

— Ça va être compliqué... ils partent demain...

— Vous êtes fous ! Complètement idiots !

— Qu'ils y aillent, c'est un coin paumé, il n'y a pas de problème et j'ai engagé mes meilleurs officiers pour assurer leur protection.

— Et après cela, ils rentrent tous les deux au bercail ! Je ne négocierai pas plus !

— Marie-Anne, tu n'as pas l'impression que tu dramatises la situation ? Klein est assez grande, elle sait ce qu'elle fait ! temporisa de Calbiac.

— Elle est trop jeune, naïve, influençable et inexpérimentée pour ce genre de missions. Elle est juge depuis sept ans et a travaillé la plupart de son temps dans un bureau au TPE ! Rama aurait dû prendre cette affaire.

— Dis plutôt que parce que c'est une femme, ça te revient pas !

— Ça n'a aucun rapport. Je ne reviendrai pas là-dessus. Dès qu'ils reviennent, vous me les collez tous les deux dans un avion. C'est dingue, la situation nous échappe là ! Et puis Mercadier, il fout quoi là ?

— Très bien, madame la ministre.

— Rompez, au travail et je veux que ça avance bon train !

Supplices de Toundra - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant