CHAPITRE 35

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KHIMKI, OBLAST DE MOSCOU, AÉROPORT DE MOSCOU-CHEREMETIEVO

VENDREDI 14 SEPTEMBRE 2012, 18 H 35

L'énorme bâtiment se détachait en bloc bleu et blanc. Un brouhaha incessant résonnait, les avions civils arrivaient et décollaient dans une épaisse fumée de kérosène. La pollution atmosphérique ambiante formait un microclimat au-dessus de l'imposant aéroport. Le seul de Moscou. Sa montre indiquait dix-huit heures trente-cinq, Paul Lombard patientait au volant de son énorme quatre-quatre aux plaques diplomatiques vertes. Ses doigts frappaient frénétiquement sur le volant en cuir. De grosse gouttes de sueur coulaient sur ses tempes, son visage était brillant et ses bajoues tremblaient. À bout de souffle, il desserra le nœud de sa cravate et détendit le tour de cou. Il ouvrit le dernier bouton de sa chemise et passa sa paume sur sa gorge suintante. Il jeta un coup d'œil furtif dans le rétroviseur, surveillant les aller et venus autour de lui. Il baissa le pare-soleil et se regarda brièvement dans le petit miroir carré. Son reflet faisait pitié. Nerveusement, il fit tourner ses grosses bagues en or autour de ses phalanges. Un coup retentit à sa fenêtre, il sursauta. Il tourna machinalement la tête vers l'origine du bruit. C'était un policier. L'homme au calot se tenait penché devant sa fenêtre. Lombard ouvrit.

— Monsieur, vous ne pouvez pas rester là...

— Voiture diplomatique, monsieur.

Pour accompagner ses propos, Lombard brandit sa carte d'ambassadeur et lui colla sous le nez. Le policier acquiesça simplement et se détourna. Lombard vérifia rapidement les derniers messages sur son téléphone. Il s'enfonça plus profondément dans son siège en cuir et ferma les yeux. Il tenta de se détendre. Tous les exercices de respiration, les gestes et l'abstraction mentale auxquels il s'adonnait ne suffisaient pas.

Une jeune femme brune s'installa sur le siège passager à ses côtés. Elle passa une main dans ses longs cheveux aux larges boucles et le salua.

— Monsieur l'ambassadeur.

— Vous devez être la juge d'instruction, Monica Klein ?

— Oui.

— Très bien, puis-je vous appeler Monica ? Et peut-on se tutoyer ?

— Certainement, monsieur.

— Appelez-moi Paul.

Monica opina du chef. Elle tourna la tête vers la vitre et scruta avec attention le paysage de ce pays qu'elle découvrait. La route se passa en douceur et cinquante minutes plus tard, l'ambassadeur freina face à un poste de contrôle matérialisé par un mirador et une barrière. Monica reconnut deux gendarmes aux uniformes français. Ce détail la rassura. Lombard présenta sa carte aux officiers et la barrière s'ouvrit. Le bâtiment se déploya devant leurs yeux émerveillés. L'architecture et les décorations de l'édifice étaient typiquement russes. Le toit arborait des nuances grises dégradées, la façade exposait des teintes pastel, elles. De l'écru au marron en passant par le rose. Un drapeau tricolore flottait dans le vent à quelques mètres. Le duo entra dans l'ambassade. Tout y était somptueux. Une secrétaire excentrique les salua, tout sourire. Lombard lui ordonna avec gentillesse de récupérer les valises de la juge. Monica suivit Lombard au travers des dédales. Il bifurqua à gauche, obliqua à droite et longea un vaste couloir. Ils empruntèrent ensuite les escaliers de service. Monica monta aussi vite que ses talons le lui permettaient. Ils rejoignirent la salle de conférence sans plus de concessions. En entrant, la magistrate fut frappée par la beauté des lieux : haut plafond décoré de sculptures en bas-relief, luminaire en cristal, voûtes finement taillées dans le marbre. À sa droite, le mur était couvert d'une enluminure russe aux couleurs sobres. À sa gauche, des fenêtres donnaient sur la rue, couronnées de rideaux rose pâle. Deux canapés saumon étaient entreposés l'un en face de l'autre, ainsi que quatre fauteuils en cuir véritable. Un immense tapis persan recouvrait les trois quarts du sol. Des secrétaires datant du siècle dernier trônaient çà et là surmontés de lampes à abat-jour jaune. Des appliques éclairaient la salle tout en chaleur. La dominance spectrale de la pièce était claire. Rose, jaune, écru...

Supplices de Toundra - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant