Mission 3 : Jouer la comédie avec toi

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Aussitôt, ce rustre me lâche. Il faut dire qu'il n'a pas trop le choix. Je suis celle qui va devoir aller au-devant des gens du quartier. Je représente l'atout charme, là où lui incarne simplement l'as de la gâchette.

Je le dévisage d'un œil mauvais en passant une main sur mon cou. Je ressens encore une vive douleur, comme si l'étau qui me comprimait n'avait pas disparu. Le souffle me manque. Pourtant, je ne laisse rien paraître.

À trop penser aux autres, on finit par s'oublier. À trop traîner parmi les prédateurs, on apprend à ne plus devenir la proie.

Puisque je ne dois en aucun cas lui montrer ma peur, je la cache derrière une colère feinte. J'imagine qu'à force de me voir opposer une résistance, il lâchera l'affaire, son instinct de domination ne tirant aucune satisfaction de ces gestes violents. Il veut que je crie, que je me débatte, que je pleure et que je le supplie.

Aucune chance.

Je me dirige d'un pas rapide vers ma chambre pour mettre la main sur un foulard. Après en avoir passé un rouge autour de mon cou, je ferme la porte derrière moi. Il ne manquerait que quelqu'un s'aperçoive que les deux chambres sont occupées ! Heureusement, Paul et Géraldine se sont assurés que nous puissions garder chacun un espace privé. Je n'ai donc pas à partager le lit de ce malade qui ne pense qu'à écraser des gorges et boire du café.

Erik m'attend dans le couloir, près des escaliers. J'ignore pourquoi, et je m'en moque pas mal. Quand je le dépasse, pas un seul mot ne sort de sa bouche. Pas une parole d'excuse, pas un regard empli de regrets. En même temps, à quoi m'attendais-je ? On ne se passionne pas pour les meurtres quand une infime étincelle d'humanité brille encore dans notre être. Au fil du temps, en accumulant les crimes, il est certainement devenu une bête, pas plus capable de discernement qu'un animal sauvage.

J'entends ses pas derrière moi, nonchalants, et j'ai brusquement envie de me retourner pour lui en coller une d'une main toujours un peu tremblante. Je calme ma respiration et mes frissons en inspirant profondément. Mon objectif me revient en tête. Je vais sauter sur l'occasion pour lui montrer ce que je vaux.

D'ailleurs, qui est l'individu derrière la porte ? Nous venons à peine d'emménager, nous ne connaissons personne ici. Qui pourrait donc nous déranger au beau milieu de la matinée ?

Obnubilée par ma curiosité naissante, je percute par mégarde l'arme sur le sol, celle qu'Erik a envoyée valser tout à l'heure. Elle termine sa course devant la porte d'entrée. Aussitôt, l'autre abruti se hâte de la récupérer et de la cacher dans son dos.

J'écarquille les yeux.

— Qu'est-ce que tu fais, bordel ? Range ça ! lui intimé-je l'ordre d'une voix relativement basse.

Il penche son visage vers le mien.

— Et si on avait déjà été repérés ? On ignore qui se cache derrière cette porte. Il peut s'agir d'un ennemi.

Un ennemi ? Il en a combien à son actif ? Personnellement, j'en possède peu. En plus, personne n'est au courant que nous sommes ici, à jouer les couples mariés.

— Eh bien, je recevrai la balle en premier. Maintenant, pousse-toi et débarrasse-toi de cette arme.

Bien sûr, ça aurait été trop beau pour être vrai qu'il obéisse. Au lieu de l'éloigner, il la coince dans sa ceinture, à l'arrière de son pantalon. Parce qu'il est évident qu'à Scarlet Hollow, tout le monde se balade avec un flingue d'une manière aussi flagrante...

J'ouvre la porte, prête à remercier la personne qui a détourné l'attention du démon... lorsque je découvre une petite vieille tout sourire.

Pitié, non... Tout, mais pas ça !

Mr. & Mrs. Spike (Tome I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant