Mr. & Mrs. Spike (Tome I)

Mission 37 : Entendre tes confidences

[Les scènes décrites ou les sujets abordés dans ce chapitre pourraient heurter la sensibilité de certains. En cas d'hésitation, veillez à passer au prochain.]

L'eau coule le long de ma colonne vertébrale, de mes bras, de mes cheveux. Elle se répand partout. Pourtant, si elle chasse la saleté, elle n'efface en rien les horreurs que j'ai vécues. Elle ne lave pas mes péchés.

J'ai toujours eu une fascination pour l'eau. Sa beauté pure, sa puissance dévastatrice, sa manière de se mouvoir et de s'infiltrer partout, sa capacité à se déchaîner et à créer les pires catastrophes. Elle a toujours eu le don de m'apaiser, de m'isoler de la réalité, mais pas aujourd'hui.

Alors que le jet de la douche continue de se déverser sur moi, je me noie dans le flot de mes souvenirs, au point que je n'entends même pas Erik arriver dans mon dos. C'est seulement lorsque son pas vient rompre le battement régulier des gouttes que je me rends compte de sa présence. Je sais qu'il est nu avant même de sentir son torse légèrement poilu et ses abdominaux contre moi.

Il faut croire que c'est à son tour de me rejoindre sous la douche avec l'espoir d'être pardonné. Sauf qu'il n'a absolument rien à se faire pardonner. C'est moi qui lui ai caché ce pan de ma vie depuis le début. C'est moi qui me suis offerte à lui alors que je n'avais toujours pas guéri de ma précédente relation. Notre attirance l'un pour l'autre est irrésistible, pourtant, j'aurais dû résister davantage. Nos sentiments étaient inévitables, pourtant, j'aurais dû les souffrir en silence.

Il est désormais trop tard. Je ne peux plus revenir en arrière pour le protéger, car impossible de faire taire mon cœur amoureux.

C'est pourquoi, les yeux fermés, je laisse Erik enlacer ma taille et déposer son menton contre mon épaule avec tendresse.

Nous restons quelques minutes dans cette position, dans le calme le plus absolu. Et je dois avouer que ça me fait du bien. Je me sens à l'abri entre ses bras immenses, qui m'enveloppent d'un voile de protection invisible. Son odeur m'aide à reprendre pied dans la réalité, je respire enfin mieux.

Après une profonde inspiration, mes souvenirs refluent alors que je sais que je ne vais pas tarder à les solliciter. De moi-même, cette fois. Parce que les nombreuses questions qui tourmentent l'assassin derrière moi semblent résonner jusque dans mon esprit.

Il a besoin de réponses, et je suis prête à les lui donner. À me confier sur cet épisode de ma vie dont j'ai trop honte pour l'avoir déjà raconté à quiconque.

Je profite des derniers instants de quiétude, avant qu'il ne me demande :

— Qui est Charles ?

Je déglutis péniblement. Je n'aurais jamais cru entendre ce prénom dans sa bouche. Ça me paraît insensé, contraire à l'ordre des choses. J'assiste, impuissante, à la collision de deux mondes, mon passé et mon présent, une collision dont j'ignore les conséquences à venir.

C'est d'une voix tremblante que j'articule :

— Mon premier amour.

Immédiatement, le corps de l'assassin se tend contre moi.

Autant de tendresse dans une expression qui caractérise le plus abject des démons. Pourtant, c'est bel et bien ce qu'il a été. Le sauveur d'une jeune femme de vingt et un ans qui voulait échapper à sa famille. Le prince charmant d'une nana inexpérimentée qui n'avait pas encore perdu toutes ses illusions. Il a débarqué dans ma vie, en plein milieu de mes années d'études. Prévenant, drôle, patient. Je lui trouvais du charme, mais je n'étais pas prête à me lancer dans une relation. Aussi, je m'intéressais souvent à des hommes plus âgés, rarement aux fils à papa. Et pour cause : je me lassais vite de ceux qui se vantaient de leurs caprices et se contentaient de traîner avec les copains. Je n'en étais plus non plus au stade où j'aspirais à une certaine stabilité et attendais des promesses d'avenir. Le frisson, voilà ce que je recherchais. Je vibrais face à l'interdit. De ce fait, Charles me paraissait presque trop lisse.