Bonus #1 : Dernière soirée

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Erik

Les portes coulissent à mon approche. Après qu'elles se sont refermées dans un bruit étouffé, ne règne plus que le silence à l'intérieur de la pièce. J'effectue quelques pas en agitant mon maillot pour créer un courant d'air bienvenu.

Putain, il fait drôlement chaud ici !

Et pas grâce à Géraldine, qui se tient debout devant l'écran, froide comme un glaçon.

D'aussi loin que je me souvienne, elle a toujours été comme ça : austère. Notre relation est marquée par une certaine indifférence, et au fond, ce n'est pas plus mal. Elle se contente de faire ce pour quoi elle est payée, c'est-à-dire me confier des missions, et je me contente de les exécuter sans rechigner. Pas de discussions au sujet de ce qu'il reste de ma famille, à laquelle elle a sciemment fait croire que j'étais mort, et pas d'états d'âme non plus.

J'ai appris très tôt dans ma carrière qu'il ne fallait pas garder une quelconque empathie pour les gens. Ni pour les bourreaux, ni pour les victimes, encore moins pour ceux qui incarnent les deux à la fois. On m'envoie pour les descendre, point à la ligne.

Avec le temps, ça a fini par devenir un réflexe, une habitude. Les quelques débris de mon âme ne se révoltent plus devant la mort. Au contraire, ils se délectent du sang. Je sais que les actions du grand patron sont motivées par ses intérêts, mais ça ne me dérange plus. Au sein de l'agence Silence, je me suis découvert un talent, car il s'avère que je suis plus doué pour tuer que pour n'importe quoi d'autre.

Nonchalamment, je m'affale sur l'un des sièges autour de la petite table de réunion. C'est toujours dans cette pièce étroite que je reçois mes missions, avec les murs ternes pour seuls témoins de ces échanges. Mais aujourd'hui, un détail me fait m'interroger sur ce qui m'attend : Paul est adossé dans le coin, les bras croisés.

Un drôle de gars, ce Paul. Il est connu pour être particulièrement sadique. Pas dans le même style que moi. Si j'aime susciter la peur, son être se nourrit plutôt de la souffrance qu'il impose à ses victimes. Je ne l'ai jamais vu à l'œuvre, mais je crois que ça doit valoir le détour.

J'ai déjà aussi vaguement entendu parler de sa protégée. Il paraît qu'il y tient comme à la prunelle de ses yeux. Et pour cause : elle fait des merveilles, d'après certains... Pourtant, personne ne l'a jamais vue. Pour une raison inconnue, on la garde bien loin du QG.

Paul, lui, je l'ai déjà croisé à quelques reprises dans le coin. C'est le chouchou de la direction. Peut-être à cause de l'image de mec sérieux qu'il renvoie ? Ce que je devine aisément, c'est qu'il est loin de m'apprécier, et son regard noir dardé sur moi n'hésite pas à me le rappeler. Honnêtement, je me moque de ses raisons, tant qu'il ne vient pas me chercher des ennuis.

— Alors, qu'est-ce que je fous ici ? lancé-je, histoire de rompre ce silence dérangeant.

Où est le dossier habituellement déposé à mon intention sur la table ? De toute évidence, Géraldine le tient férocement dans sa main, comme s'il s'agissait d'une bombe susceptible d'exploser à tout moment.

La cible est donc particulièrement importante. Je me demande qui ça peut bien être : un politicien ? un trafiquant ? un journaliste ?

Tout en s'approchant, elle m'annonce :

— Il t'a choisi personnellement pour cette mission. J'espère que tu en es honoré.

Je comprends immédiatement à qui elle fait référence. Je ne montre toutefois rien de ma surprise.

Le grand patron m'a choisi ?

Au moment où je me penche pour lui arracher le dossier des mains, elle le hisse hors de ma portée.

Mr. & Mrs. Spike (Tome I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant