Mr. & Mrs. Spike (Tome I)

Mission 6 : Percer à jour tes intentions

Moins d'une demi-heure plus tard, je rejoins Erik dans le salon.

Les coudes sur ses genoux, il semble plongé dans ses pensées. Lui qui occupe d'ordinaire son temps avec des manies toutes plus étranges les unes que les autres...

Je me demande ce qui occupe son esprit...

Lorsque je m'assois à côté de lui, il me détaille des pieds à la tête. Je fais de même. Je ne l'avais pas remarqué avant, mais il a pris soin d'enfiler un polo assez élégant, bien différent de ses tee-shirts unis.

Sans piper mot, il me propose un verre de vin, que je refuse d'un signe de tête.

— Sache une chose : je ne bois pas, précisé-je. Jamais.

La seconde d'après, il le repose sur la table et part me préparer un verre de soda, que j'accueille cette fois avec plaisir. Il se réinstalle, plus près de moi encore, au point que je pourrais presque sentir son parfum.

— Une femme dans le contrôle... souffle-t-il avec une pointe d'admiration tandis que je trempe mes lèvres.

L'heure est visiblement aux confidences... C'est le moment d'en savoir plus.

Je pose mon coude sur le dossier et pivote mon corps vers lui. D'habitude, j'ai tendance à m'affaler sans grâce aucune dans le canapé. Là, je fais un effort pour plier mes jambes élégamment. Très vite, son regard vert traîne du côté de mes talons aiguilles.

— Ça t'étonne ? réponds-je, l'interrompant dans sa contemplation.

Il relève la tête, pris sur le fait. Un rictus discret se dessine néanmoins sur ses lèvres.

— As-tu l'intention de me plaire ? Suis-je la nouvelle cible d'Amanda Spike ? minaude-t-il.

Ça se pourrait bien... Au moins, pour la soirée.

J'émets un petit rire.

— Tu aurais pu te contenter de dire que j'étais séduisante, susurré-je.

Apparemment, il est tendu. Mes remarques aguicheuses ne lui décrochent pas un sourire, bien qu'il ne soit pas vraiment du genre à se montrer avenant. Son charme, si tant est qu'il en ait un, réside uniquement dans son charisme de mauvais garçon et son mutisme effrayant.

Après m'avoir proposé quelques amuse-bouche, il enchaîne, l'air de rien :

— Alors, depuis quand travailles-tu pour l'agence Silence ?

Pas vraiment la conversation que j'espérais...

Ma première réaction est de soupirer. J'hésite à lui répondre. Je continue de mâcher le temps de trouver mes mots.

— Depuis bien trop longtemps, si tu veux mon avis, finis-je par avouer. 

Face à sa curiosité flagrante, je reprends de manière un peu plus sérieuse :

— Paul est venu me chercher il y a trois ans.

— Paul ne vient pas chercher les gens, me corrige-t-il. Il les tire de situations compliquées.

Un instant, je demeure muette.

Honnêtement, je ne vois pas en quoi le fait que je joue de mes charmes depuis mes seize ans pour obtenir tout ce que je souhaite puisse être qualifié de "situation compliquée". Ni en quoi le fait que je sois tombée sur plus fort que moi à mes vingt-trois ans puisse avoir suggéré à Paul l'aider de venir m'aider.

Je gérais bien toute seule.

Oui, c'est ce que j'aime me répéter. La vérité est que j'ignore ce qu'il serait advenu de moi si Paul ne m'avait pas tirée des griffes de Charles... Quelque part, je lui serai toujours reconnaissante pour cette opportunité qu'il m'a offerte de reprendre le pouvoir. D'un autre côté, il a brisé mes chaînes avant de m'en attribuer de nouvelles.