Mission 30 : Pleurer dans tes bras

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Le soleil endormi commence à teinter le ciel de tons pastel lorsque je me dirige vers la porte de ma demeure.

Je pars, sans bagages, sans affaires. Avec seulement mon cœur lourd et mes larmes.

Si tout se passe bien, je ne devrais pas revenir avant quelques jours.

Ça me paraît inconcevable. Me réveiller le matin sans croiser Erik, sans le voir grimacer devant son thé ou nettoyer son arme. M'endormir le soir sans être dans ses bras, sans sentir cette odeur qui n'appartient qu'à lui et cette chaleur qui me réconforte autant qu'elle m'étouffe.

Je me suis habituée à tout ça, à ce quotidien de jeune mariée. Je hais  cette maison, mais j'aime celui qui l'anime.

Si bien qu'à cet instant, j'ai l'impression d'être une fleur dont on arrache les racines. S'épanouira-t-elle dans un nouveau coin de terre, ou flétrira-t-elle sans ses rayons habituels ?

J'en fais clairement trop. Je vais juste habiter de l'autre côté de la rue pendant quelque temps. Pourtant, mon cœur se déchire en deux à cette perspective.

Une moitié bat à peine dans ma poitrine pour entretenir la machine. L'autre se tient juste en face de moi, avec une expression peinée.

J'ai découvert nombre d'émotions chez Erik, mais pas la tristesse. Pas cette triste profonde, larmoyante, mêlée de mélancolie. Il me paraît si fragile en cet instant qu'une simple pichenette suffirait à le faire tomber en arrière, lui qui usurpe habituellement la puissance et la solidité d'un roc.

— Bon, je crois que c'est le moment de nous dire au revoir.

Les débris qu'il reste de mon cœur s'agitent à ces mots. À l'inverse, mon bel assassin se noie dans un flot de lassitude trop impétueux pour lui. Il hoche la tête, puis la baisse, résigné.

Je m'approche de lui lentement et soulève son menton avec un sourire.

— Je ne penserai qu'à toi. Tu t'en es assuré, non ?

L'éclat malicieux qui brille dans mes pupilles n'atteint pas les siennes.

Sans y réfléchir à deux fois, je me jette sur lui pour le serrer dans mes bras. Je me blottis contre ses pectoraux en fermant les yeux pour mieux me rappeler chaque détail. Je veux me souvenir de la sensation de ses muscles sous mes doigts, des battements de son cœur contre ma joue, de son impressionnante chaleur.

Au creux de son corps imposant, je me sens en sécurité. Ses bras forment une barrière infranchissable. Sa peau semble à l'épreuve des balles.

Il laisse échapper un soupir tremblant contre mon oreille tandis que je retiens péniblement mes larmes.

Ne pas craquer. Ne pas craquer.

Sa main s'accroche à mon haut vert pistache, même encore quand je tente de m'éloigner. Il déploie toutes ses forces dans l'espoir de me retenir. Ma cage thoracique est comprimée, le souffle me manque, ses ongles s'enfoncent dans mes omoplates. Pourtant, je ne bouge pas. Je savoure cette étreinte, la première, et la dernière avant un moment.

— Je te reviendrai, je te le promets, lui assuré-je. Tu te rappelles quand tu dois intervenir ?

Seulement là, il semble reprendre ses esprits.

— Lundi, répond-il après s'être raclé la gorge. Pas avant. Pas après. Je toque à sa porte.

Je confirme d'un hochement de tête.

Nous nous séparons, gênés suite à cette démonstration d'affection qui n'avait rien de sexuel. Juste de la tendresse. Un sentiment partagé qu'il n'est pas question d'exposer à voix haute tant ses conséquences seraient nombreuses et dramatiques.

Mr. & Mrs. Spike (Tome I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant