Mr. & Mrs. Spike (Tome I)

Mission 11 : M'introduire chez toi

— Bonjour. Bien dormi ? lancé-je gaiement.

Pour la première fois, ma question reste sans réponse.

Et pour cause : Erik n'a toujours pas digéré ma ruse de samedi. Même si je ne comprends pas pourquoi, puisque je n'ai fait qu'exposer les marques qu'il prend plaisir à m'infliger, il semble révolté que j'aie insinué qu'il pouvait être un mari violent.

Erik, ou l'assassin innocent...

D'un ange, il n'a que les cheveux blonds. Le reste n'est que noirceur et perfidie.

Boudeur, il part se réfugier dans le salon, où la télévision diffuse des informations en continu. Je me suis levée en avance pour mettre sa chaîne préférée en espérant l'adoucir, sans succès.

Très vite, il est néanmoins obligé de s'approcher de moi, car son estomac crie famine. Il fouille énergiquement dans les placards de la cuisine avec des gestes qui témoignent tous d'une profonde colère. À nouveau, il râle de l'absence de café. Malgré lui, il se jette sur le thé que j'ai préparé il y a quelques instants.

Je sirote le mien, accoudée au bar, tout en l'admirant.

Il ne m'accorde pas un regard, pas une parole, et je dois avouer qu'une pointe d'agacement naît au fond de mes entrailles.

Comment ose-t-il m'ignorer ?

Pour être honnête, sa réaction m'ennuie. Elle me met face à une duplicité que je refuse d'admettre. J'ai trahi le peu de confiance qu'il avait en moi. Alors que nous sommes censés former une équipe, je n'ai pas hésité à me retourner contre lui pour me rapprocher de Scott.

D'ailleurs, je crois bien que c'est ce qui le chiffonne le plus. Il ignore jusqu'où je pourrais aller pour m'attirer les faveurs de Scott. Or, je dois avouer que je l'ignore tout autant...

Soudain, un bruit presque imperceptible nous tire de cette ambiance maussade. Tels les criminels que nous sommes, habitués à être sur leurs gardes, nous nous mettons immédiatement en alerte. Il provient du jardin. Un infime son qui aura, l'espace d'une seconde, altéré la mélodie de la brise et le doux balancement de l'herbe.

Un bref échange de regards, et Erik sort son arme pour la pointer sur la silhouette qui vient d'apparaître près de la baie vitrée ouverte. Instinctivement, il se place devant moi, ce qui m'empêche de distinguer les traits de l'individu.

Après un mouvement sur le côté, je découvre son identité.

— Paul... soufflé-je, étonnée.

Erik abaisse aussitôt son arme. Je ne doute pas qu'il l'a reconnu bien avant moi, mais il a visiblement laissé son fusil en suspens dans les airs, comme s'il avait hésité à tirer sur mon mentor.

— Vous avez failli goûter au plomb, soupire-t-il finalement en rangeant son arme à l'arrière de son pantalon.

Paul s'avance vers nous, tout sourire. Enfin, les costumes chics sont de retour ! Il est bien plus agréable à regarder ainsi, avec sa veste, sa cravate et son pantalon entièrement rouges.

De toute évidence, il ne craint pas d'être démasqué par nos voisins.

— Que nous vaut l'honneur de ta visite ? lui demandé-je, les sourcils froncés.

Que fait-il ici, lui qui semble constamment débordé ?

Je me méfie de son air avenant, qui peut cacher une véritable perversion. Pour l'avoir vu à l'œuvre plusieurs fois, je sais de quoi il est capable. Et prendre des nouvelles de ses agents de terrain ne fait pas vraiment partie de ses habitudes.