Mr. & Mrs. Spike (Tome I)

Mission 10 : Te montrer ma faiblesse

Seule, devant la maison, je pleure.

Les échos de la fête des voisins me parviennent encore. Le silence n'aura pas duré longtemps.

En quoi cela devrait-il m'étonner ?

Les gens sont ainsi : ils attendent le scandale avec impatience, mais les conséquences... ils s'en moquent. Consoler une personne au plus bas ? Surtout pas ! Se mêler d'affaires qui ne les concernent pas ? Oui, mais finalement, non.

Pourquoi je pleure ? Je n'en ai aucune idée. La violence d'Erik ne m'atteint pas plus que ça. Le mensonge ne me dérange pas non plus.

En même temps, ils font partie de ma vie depuis si longtemps !

C'est juste que... Pendant un bref instant, j'ai visualisé le cours de mon existence. Et je me suis posé une question déchirante :

Qu'est-ce que je fais à Scarlet Hollow, à 26 ans, à jouer l'épouse d'un assassin, à prétendre que je suis une femme battue devant celui qu'il me faudra tuer ?

Comment en suis-je arrivée là ? Là encore, c'est un mystère.

Charles, ma dernière relation sérieuse, ne s'est jamais montré aussi dangereux qu'Erik. À moins que mes sentiments pour lui n'aient altéré ma vision ? Pourtant, il y a trois ans, Paul n'a pas hésité une seconde à m'arracher à lui. Lorsqu'il s'agit de faire de même avec un assassin envoyé par l'agence, visiblement, il disparaît.

J'ai l'horrible sentiment de n'avoir été qu'un jouet.

La porte ne tarde pas à se refermer dans mon dos. Or, je sens... ou plutôt, je sais que ce n'est pas Erik qui est venu me rejoindre.

— Amanda, tout va bien ? s'enquiert doucement Scott.

D'un revers de main, j'essuie mes larmes.

Il est adorable. Pourquoi doit-on mettre fin à sa vie ? Qu'a-t-il fait, bon sang ?

À cet instant, je lui en veux d'avoir attiré les foudres de l'agence Silence, tout autant que je lui en veux de céder aussi facilement à mes charmes. Pourquoi cet homme marié n'est-il pas resté auprès de sa femme ? Pourquoi n'a-t-il pas détourné les yeux, comme tous les autres ?

La réponse est évidente : Scott Benson est quelqu'un de bien trop bon pour détourner le regard du malheur d'autrui.

Face à sa mine inquiète, je hoche simplement la tête. Autant dire que ce geste ne lui suffit pas. Sans crier gare, il tente une approche.

Alors que sa main s'apprête à se poser sur mon avant-bras, je recule.

— Ne me touchez pas ! m'écrié-je.

Mon ton dur le refroidit immédiatement.

Lui qui voulait s'assurer que j'allais bien, me montrer son soutien en posant la main sur moi, me voit avec amertume le fuir.

Bien que je souhaite sentir sa peau contre la mienne, juste une fois, juste pour déceler, ou non, un frisson, la femme maltraitée que je fais semblant d'être ne peut supporter le moindre contact. Elle a peur. Peur des hommes, de leur force, de leurs gestes brusques. Elle est comme un animal traqué, la proie d'un chasseur.

Alors, elle fond en larmes. Et elle s'éloigne, toujours plus loin, pour mieux susciter l'intérêt et l'inquiétude de l'homme qui lui fait face.

— Je souhaiterais être seule, insisté-je. S'il vous plaît, retournez auprès de votre femme.

Ses yeux foncés ne tardent pas à se poser avec colère sur mon foulard rouge, derrière lequel sont dissimulées les traces de doigts de mon cher mari.