Mr. & Mrs. Spike (Tome I)

Mission 21 : Te donner envie de rester

Après une douche rapide pour réchauffer mes membres glacés, je m'enferme dans ma chambre.

À mon retour, je n'ai pas croisé Erik. Et pour cause : l'assassin s'est également isolé. Aucun bruit ne filtrait depuis le couloir. Je pourrais croire qu'il n'est pas là, si sa présence malsaine ne se faisait pas vivement sentir, y compris derrière un mur.

Qu'est-ce qu'il manigance, encore ?

Il a quand même jugé bon de nettoyer toute trace de sang avant. Le bar est désormais impeccable. Disparu le cadeau, de même que l'odeur qui l'accompagnait.

Comme si rien ne s'était passé.

Alors que, dans ma tête, l'image persiste.

Un silence plane dans la maison, qui me glace un peu plus à chaque minute. J'ai l'impression que l'assassin prépare un nouveau coup pour asseoir son autorité sur moi.

Sauf que je ne compte pas me laisser faire, cette fois.

Par mesure de précaution, je saisis l'arme cachée entre mes petites culottes et la dépose sur la table de chevet, de manière à la rendre accessible.

À partir de maintenant, je ne compte plus me balader sans. Je suis en territoire ennemi.

Si Erik est mon ennemi, pourquoi me sens-je si irritée et déçue à l'idée de remettre de la distance entre nous ?

Je ne comprends pas. Il provoque en moi des émotions que je n'ai jamais ressenti avec aucun autre, y compris Scott, alors que c'est le diable incarné. Ne suis-je donc attirée par que les hommes qui me veulent du mal ? Par l'aura de danger qui les entoure ?

Visiblement...

Charles n'était pas suffisant, on dirait. Il me fallait un homme d'un calibre supérieur, car j'aime vivre dangereusement.

Quelque part, c'est ma faute. Erik est un assassin. Je le savais depuis le début. À quoi m'attendais-je d'autre de sa part ? Des réactions normales ? Des démonstrations d'affection tièdes ?

C'est simple : avec lui, on peut passer d'un extrême à l'autre en une fraction de seconde. Un instant, il se montre on ne peut plus tendre dans des toilettes dégueulasses ; le suivant, il représente le fléau le plus abominable que la terre ait porté.

J'ai peut-être naïvement cru que notre attirance l'encouragerait à se remettre dans le droit chemin, à se lasser des méthodes peu orthodoxes qu'il appréciait utiliser. Mais qui suis-je pour lui donner envie de devenir meilleur auprès de moi ? Surtout pour une foutue histoire de sexe ?

Allongée sur le lit, je pousse un profond soupir. Mes pieds me font mal après ma course dans les cailloux. Mais pas aussi mal que mon cœur.

Bon, si ça continue comme ça, je ne vais jamais trouver le sommeil !

Et en effet, les heures passent, et je ne peux que contempler le plafond en me perdant dans de sombres pensées.

Depuis ma discussion avec Scott Benson, j'ai repris mes esprits, bien que mes mains tremblent toujours. Je lui reconnais une certaine habilité pour me distraire, au moins temporairement, puisque son aveu m'a complètement chamboulée.

C'est pourquoi j'évite fortement de me rappeler la sincérité dans sa voix et le désir dans son regard, dont je ne sais que faire. Tout comme, pour éloigner la culpabilité et la peur, j'évite de penser à ce que ce pauvre jeune homme que j'ai croisé vendredi soir a enduré par ma faute.

Au lieu de ça, je m'efforce de trouver des explications logiques pour justifier l'acte de l'assassin enfermé dans la pièce à côté. En vain.

La jalousie n'est pas une raison valable, pas plus que la colère. À mes yeux, il n'a absolument aucune excuse.