Mr. & Mrs. Spike (Tome I)

Mission 35 : Te donner une punition

Je sais que la chambre n'a pas été abandonnée pendant mon absence à l'odeur qui flotte lorsque j'y pénètre. Pas de poussières en suspens dans les rayons du soleil, mais un parfum viril, mêlé à de la sueur et une certaine moiteur. Les draps sont défaits uniquement d'un côté. Celui où Erik dort habituellement. Comme s'il avait essayé de préserver le mien, tel un sanctuaire inviolable.

Involontairement, je jette un coup d'œil à la fenêtre qui occupe un large pan du mur, fenêtre à travers laquelle j'aperçois la maison de mon voisin.

Que fait-il depuis mon départ ? A-t-il cru à notre petite comédie ? Ou, au contraire, ai-je éveillé de quelconques soupçons ?

Argh, il est si difficile de deviner ce qu'il pense !

Par chance, les rideaux nous dissimulent à sa vue. Je m'en veux aussitôt de penser une telle chose. J'aimerais pouvoir batifoler avec l'homme que j'aime sans honte ni pudeur. Sans craindre de faire voler ma couverture en éclats.

Bientôt...

Bientôt, tout sera fini.

Tout en me mordant la lèvre, je me tourne pour faire face à l'assassin qui n'a pas bougé. Adossé contre la porte, les bras croisés, il me déshabille du regard. Je porte encore les vêtements prêtés par Aimée, mais je doute que ce soit la raison de son grondement appréciateur. Son attention s'attarde plutôt sur mes jambes nues et quelque peu fuselées.

Je me racle la gorge, mal à l'aise.

Je suis plongée dans l'incompréhension la plus totale. Pourquoi reste-t-il planté là, à nourrir ses fantasmes, plutôt que de menacer de brûler la terre entière ?

À peine a-t-il achevé sa contemplation qu'il s'approche de moi. De sa grande taille, il me surplombe, au point que je me sens toute petite dans son ombre. Mes yeux s'accrochent aux siens, là-haut, mais très vite, sous le feu qui les habite, je baisse la tête.

Pendant un temps infini, il ne dit rien. Il se contente d'enflammer chaque centimètre de ma peau de son regard vert ardent. N'y tenant plus, je brise donc le silence.

— Erik, je ne comprends pas... soufflé-je d'une voix tremblante. Pourquoi ne sembles-tu pas furieux ?

Lentement mais sûrement, il relève mon menton.

— La raison n'appartient qu'à moi.

Je fronce les sourcils.

Vraiment ? Il ne compte rien me dire ?

Immédiatement, je m'interroge. Je me demande ce qui pourrait bien canaliser sa colère. Parce qu'il est bel et bien en colère... Sa mâchoire crispée en est la preuve. Il parvient à peine à desserrer les dents pour parler. À l'inverse, tout le reste de son corps affecte une nonchalance qui pourrait presque me tromper.

— Pardon ? lâché-je, pas certaine d'avoir bien entendu.

— Inutile d'insister. Tu n'en sauras rien, Amanda.

— Très bien, consens-je.

Voilà donc ma punition. Bien qu'il soit furieux, il ne m'expliquera pas comment il parvient à rester maître de lui-même. Ainsi, la curiosité me perdra.

Il a conscience que j'ai soif de savoir, parce qu'une maniaque du contrôle telle que moi a besoin de connaître tous les détails et tous les paramètres à prendre en compte si elle veut pouvoir anticiper correctement les événements à venir. Là, je suis dans l'ignorance.

Et mon cerveau ne manque pas de me torturer, à ce constat.

Comme je meurs d'envie de découvrir ce qu'il s'est passé durant mon absence pour qu'il demeure si calme ! Aurait-il eu des réflexions poussées ou des révélations grâce à la distance qui nous séparait ?