Mission 31 : Répondre à ton appel nocturne

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Je ne sais pas comment j'avais imaginé le premier repas chez Scott, mais je ne l'avais probablement pas imaginé aussi désagréable.

Le dîner s'est déroulé dans un silence gênant, seulement ponctué par les tintements exaspérés des verres et des couverts. Les soupirs n'en finissaient plus, les échanges de regards non plus. Le moindre mot aurait pu rompre l'apparente tranquillité qui s'était installée pour laisser percer la tension qui crépitait dans l'air.

En même temps, comment cela aurait-il pu se passer autrement ?

En tant que femme à qui on a menacé d'ôter la vie, mon rôle n'était pas d'entretenir une discussion animée. Alors, je suis restée dans mon coin, les yeux rivés sur mon assiette, ce dont ma gorge douloureuse me remercie.

De son côté, Scott ne devait pas être très à l'aise entre sa femme et sa maîtresse. Il avait peur d'en dévoiler trop, avec l'une comme avec l'autre.

Seule Aimée a joué le jeu, assez pour m'entraîner dans la partie.

— Tu ne manges pas, Amanda ? Ma quiche n'est pas appétissante ? La recette vient de ma grand-mère, j'ai essayé de la moderniser, mais je n'aurais peut-être pas dû ! s'est-elle exclamée avec un enthousiasme mal placé.

Elle était délicieuse, surtout aux yeux d'une novice comme moi. Malheureusement, les aliments avaient du mal à serpenter le long de ce tuyau obstrué à la fois par mon étranglement d'il y a quelques heures et par la boule de culpabilité qui s'y était amassée. Inutile de tousser comme un chat, elle ne partirait pas de sitôt.

Je me suis donc contentée de me racler la gorge.

— Je n'ai pas très faim... ai-je ensuite répondu avec un faible sourire.

Scott a réprimandé son épouse du regard. En retour, elle a haussé les épaules.

Puis, avec un soupir las, elle a déclaré :

— La Amanda que j'ai rencontrée à la fête entre voisins était une femme joyeuse, maligne et intéressante. Ne laisse aucun homme t'enlever ça. Ne laisse aucun homme faire de toi une femme éteinte, bien que certains prennent plaisir à nous priver de notre lumière...

À mesure que les mots s'échappaient de sa bouche, elle se perdait dans ses pensées. Je l'ai dévisagée, les yeux écarquillés, de même que ma cible.

De qui parlait-elle ? Y avait-il eu quelqu'un avant Scott ? Un homme comme Charles ?

Soudain, nous avions bien plus de points communs que je ne l'avais d'abord supposé. Soudain, j'ai désiré être son amie pour que ses confidences adoucissent les miennes et y trouvent un écho.

— Erik ne serait pas le premier à s'y essayer, ai-je finalement rétorqué avec un pincement au cœur.

À mon tour, je me suis laissé assaillir par des souvenirs amers, dont le bel assassin dans la maison d'à côté n'était clairement pas le centre. Charles demeure un sujet sensible, qui fait régulièrement naître des larmes douloureuses le long de mes cils.

Au milieu de ces aveux voilés, le regard de Scott s'agitait dans tous les sens. L'émotion était palpable, l'air en était devenu encore plus irrespirable.

C'est pourquoi je n'ai pas tardé à quitter la table.

De toute façon, ça colle avec le personnage que je joue.

Après une douche quelque peu réconfortante, je retourne dans ma chambre, non sans être surprise d'y découvrir mon voisin, occupé à contempler pensivement le lit.

À quoi songe-t-il ?

Un instant, son regard détaille ma chemise de nuit en satin bleu foncé, celle que sa femme m'a prêtée pour la nuit.

Mr. & Mrs. Spike (Tome I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant