Chapitre 2

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We're all strangers
Fighting gravity, stuck here on the ground
We're just strangers
Tryna keep the peace when there's none around

Breathe
James Arthur

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       L'absorption brutale d'un trop-plein d'informations choquantes sur un laps de temps trop court provoque chez les mortels un bien curieux phénomène.

       Ils se mettent en veille.

       Leur corps se paralyse complètement, leur regard se vide monstrueusement et ils se retrouvent peu à peu dans l'incapacité totale de fermer la bouche, bavant presque sur leurs propres chaussures. Il est clair que le spectacle qui était offert dans la salle blanche n'avait rien de glorieux.

       Le phénomène est suivi de ce que l'on appellera la "phase de redémarrage", durant laquelle le sujet tente de rependre ses esprits, ou sombre dans la folie.


       Au fond de la salle, une grande jeune femme reprenait calmement le contrôle de sa personne. Élancée et visiblement athlétique, elle était entièrement vêtue de noir, ce qui contrastait amèrement avec sa peau d'un blanc superbement pâle et ses longs yeux d'un bleu si clair qu'ils en devenaient presque transparents. Il y avait quelque chose d'illustre, d'olympien chez elle, dans son allure imperturbable, dans son regard impitoyablement glacial, ouvertement sévère. Ses cheveux, plus blancs que blonds, étaient mi- attachés en une tresse à l'arrière de sa tête et le reste retombait sur une tunique noire à manches bouffantes. À première vue, elle avait vraisemblablement le même âge que Léto, mais son visage... Ses yeux. Ses yeux semblaient appartenir à un être vieux de plusieurs centenaires. Un poète ayant un penchant pour le dramatique aurait sûrement décrété que c'est l'âme du monde qu'elle portait dans son regard. Au premier regard, une âme d'intelligence moyenne la qualifierait elle d'hautement déprimante à voir.

       La grande jeune femme semblait bien mieux gérer ses émotions que Léto. Le pauvre jouet pour enfant était effectivement pour sa part regroupé en boule par terre et se balançait d'avant en arrière pour calmer sa frayeur. La jeune femme à la tresse était, elle, confiante. Ne semblait absolument pas atteinte par l'agitation ambiante.

       Autour de son cou était impérialement vissé un lourd collier en or qui ressemblait plus à une armure qu'à un bijou. Le col de la parure se prolongeait en deux plaques sur ses épaules, d'où pendaient de nombreuses chaînes du même métal. L'objet protégeait son cou, ses épaules et son cœur. S'il avait été possible de lire l'inscription gravée au dos du discret pendentif rectangulaire qui se dissimulait sous cette armure, on aurait pu lire, en écriture italique, le prénom Gaïa.

       Cette dernière fut la seule à avoir le courage de briser le silence.

       — Sauf votre respect Monsieur, votre idée est absurde, dit-elle concentrée. Un seul des officiers qui vous entourent actuellement serait plus performant pour cette mission que nous tous réunis.

       Le chef d'État-Major ne perdit pas un instant pour répondre.

       — Cette opération doit être effectuée par des espions et surtout par des espions avec de puissants pouvoirs. Les soldats qui se tiennent devant vous ne sont absolument pas entraînés pour ce genre de mission.

À ces âmes égaréesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant