Chapitre 36

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Ooh-ooh, these minefields that I walk through
Ooh-ooh, what I risk to be close to you
Ooh-ooh, these minefields keeping me from you
Ooh-ooh, what I risk to be close to you

Minefields
Faouzia, John Legend

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       Bien avant l'aube, Gaïa se réveilla dans son lit de camp les cheveux collés à sa peau couverte de sueur. Une douleur vive résonnait sur le côté gauche de son crâne, mais elle savait que le coup qu'elle avait reçu plus tôt n'était pas la cause de sa souffrance. Partout dans son corps s'était répandue une horrifiante impression de tempête de gaz brûlant.

       Elle sortit précipitamment de la tente pour prendre l'air, le souffle court dans l'immensité glaciale d'Eusthenia.

       Son corps semblait se vider d'une partie de lui-même, déchirant tout sur son passage. Elle n'arrivait plus à respirer correctement, sa gorge était calcinée, comme si l'intérieur de son cou avait été arraché. Sa tête bourdonnait, et devant ses yeux meurtris dansaient sinistrement de longues ombres noires flegmatiques. Épuisés, ses yeux cernés cherchaient autour d'elle un point de repère. Perdue, elle était perdue. Et quelqu'un hurlait dans ses oreilles. Un bruit si vague, si lointain, insupportablement présent, qui chuchotait bruyamment dans son crâne. Des cris horrifiants. Les dernières plaintes épouvantables de celui qui en avait déjà perdu la voix.

       Elle vit soudain devant ses yeux brumeux ses deux poignets ensanglantés. Et comme si quelqu'un lui avait frappé à l'arrière du crâne, elle s'effondra sur le sol gelé.

       Relevant difficilement la tête vers le palais, le visage anéanti et furieux, la jeune femme comprit qu'elle avait déjà trop attendu.

       Elle monta sur le dos d'un animal et se dirigea à toute vitesse vers son frère.


       Plongé dans le noir dans un cachot sale et humide, se mordant le bout des doigts, Hélios repassait compulsivement la scène en boucle dans sa tête.

       Ils avaient été amenés dans les cachots pour se faire interroger. On les avait jetés à même le sol, puis la porte s'était refermée lourdement. Et ensuite plus rien. Un silence irritant s'était installé dans la cellule. Ils étaient restés là pendant des heures, tous les trois dans l'attente angoissante de quelque chose qu'ils ne savaient pas nommer. Hélios réalisa plus tard que c'était la première fois qu'il voyait Éris dans un tel état d'appréhension. Elle qui avait choisi de devenir soldat, il l'avait imaginée sans peur, plus vaillante. Ce jour-là devant ses yeux elle avait l'air d'une enfant perdue dans un grand magasin. À côté d'elle, Atys s'était assis dans un coin. Ses yeux clairs avaient fixé le mur interminablement mais pas un seul moment il n'avait eu l'air apeuré. Il ne s'était pas recroquevillé sur lui-même comme sa sœur l'avait fait. Les bras croisés, jambes étirées devant lui, il avait simplement attendu patiemment. « Il a l'air à l'aise », s'était dit Hélios avant de se rendre compte de l'absurdité de sa réflexion. Mais était restée en lui l'impression d'avoir raté une leçon à laquelle seul Atys avait assisté. Enfin quatre soldats étaient entrés dans la pièce. Le troisième traînait derrière lui un chariot sur lequel bringuebalait une multitude de fioles et seringues. Hélios avait pâli instantanément. Le second homme s'était rapidement avancé vers celui qui était le plus proche de l'entrée et l'avait tiré sur ses pieds. Atys n'avait rien dit alors qu'on lui injectait toutes sortes de sérums dans les veines. Il n'avait rien dit non plus quand affaibli, il s'était fait battre. Des coups précis qu'Hélios savait affreusement douloureux. Mais le timide jeune homme avait à peine bougé quand un des gardes avait brisé ses lunettes pour placer les bouts de verre entre ses menottes et sa chair.Il y avait une boîte en velours sur le chariot. Rouge, que l'on aurait pu confondre avec un écrin pour bague. Une main avait ouvert le coffret et en avait sorti une fiole. Le soldat avait alors attrapé le cou pâle du jeune homme et l'avait forcé à boire. Ce n'est que là qu'Atys avait commencé à hurler. Ses cris agonisants perçaient encore dans le crâne d'Hélios des heures plus tard, alors seul dans le cachot. Il avait fallu quelques minutes pour qu'Atys cesse de se débattre. Il était alors tombé au sol, revêtu d'une allure à mi-chemin entre l'ivrogne et le languissant. Vivant, enfin presque.

À ces âmes égaréesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant