Chapitre 43

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'Cause we're all giants
Trying to answer questions
Why do we feel so small
When we're not at all
And even giants
Need someone to land on
When they fall
We're trying to stand tall

Giants
Jackson guthy

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       Quand Hélios sortit la tête de l'eau, il était inconscient. Prenant le jeune homme dans ses bras, Gaïa se remit debout et sortit du lac. À peine arrivée sur la terre ferme, elle se précipita de l'allonger sur l'herbe. Il respirait encore. Elle le fixa quelques secondes, quelque chose de triste dansant avec sa rancœur dans ses longs yeux bleus.

       Sur son caillou, Hélios s'apprêtait à partir, mais fut attiré dans le corps de l'homme étalé sur le sol.

       Détournant le regard, Gaïa souleva l'homme trempé par sa pensée, puis descendit le grand escalier prudemment, laissant elle-même des flaques d'eau par terre.

       Elle quitta rapidement le palais sur le dos d'une bestiole, tenant fermement dans ses bras Hélios, sur lequel elle ne posa plus une seule fois les yeux.


       Enfin arrivée au camp qui avait été installé à quelques kilomètres du palais, Gaïa se précipita vers la tente de soins. Cette dernière était encore pratiquement vide, avec seulement un fragile lit médical déplié en plein milieu. Gaïa y déposa l'inconscient.

       Prenant soin d'éviter de poser ses yeux sur son visage, elle enveloppa rapidement Hélios dans une couverture de survie avant de se retourner pour sortir en rafale de la tente. Avant qu'elle ne puisse s'échapper, elle tomba nez à nez sur Icélos qui s'apprêtait à repartir.

       — Gaïa ! T'es rentrée ? demanda-t-il soulagé. Où est Hélios ?

       Le ton incroyablement neutre, elle répondit rapidement :

       — Je l'ai déposé dans la tente de premiers soins. Il a failli se noyer, mais il respire encore. Il faudrait un docteur.

       — D'accord je vais en appeler un.

       Il courut à l'autre bout du camp.

       Trempée, le visage vide de toute émotion, Gaïa déambula pendant un moment dans le camp fraîchement monté. En baissant les yeux, elle vit ses mains trembler et les cacha immédiatement dans les poches de son manteau. Une distraction. Il lui fallait une distraction. Près de la tente principale, les soldats étaient rassemblés autour du feu. Certains lisaient, certains bavardaient en préparant le déjeuné. Morose, elle quitta la zone de rassemblement les pas lourds et inégaux. Quand la musique parvint enfin à ses oreilles, elle se trouvait déjà dans un coin reculé de l'installation, sans aucun souvenir d'avoir marché jusque-là. Le bruit provenait d'une petite tente peu, voire pas du tout recouverte de peaux de bêtes. La jeune femme s'en approcha et entrouvrit un des battants. Devant ses yeux à peine ouverts, Léto et Odilon se déhanchaient joyeusement au son de la mélodie. Immobile, la tête posée contre un des piliers de la tente, Gaïa resta là à les observer un moment.

       Les mouvements exécutés par les deux Charitospizéens étaient affreusement déconcertants, du moins pour tout œil non averti qui aurait pu passer par là. Il s'agissait pourtant de la très traditionnelle et absolument fameuse « Danse du Guerrier ». Celle-ci consistait en majeure partie de grands gestes très peu coordonnés et encore moins réguliers. Dans le temps, elle servait très sobrement d'arme létale. Lors d'une bataille, les guerriers de Charitospize agitaient leurs bras et leurs jambes dans tous les sens jusqu'à épuisement de l'adversaire. Aujourd'hui cela ferait un très bon exercice de cardio à Fitlane, mais pas beaucoup plus. Pourtant, nos deux patriotes étaient intimement convaincus que ce savoir ancestral pouvait encore servir et tentaient de le remettre au goût du jour. Ils s'entraînaient d'arrache-pied depuis l'aube.

À ces âmes égaréesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant