À pas lents, Raerus revenait de la volière. Il venait d'y envoyer plusieurs missives, à l'impératrice et au sénat, pour réclamer des renforts de toute urgence. Bien que Méro lui ait indiqué l'avoir déjà fait, il espérait que son statut de gouverneur incite Sortor à plus de réaction.
Seront-ils seulement là à temps ?
Raerus ralentit davantage le pas. Il était distrait de ses réflexions par l'afflux de perceptions sensorielles ; l'étendue du jardin devant lui, les allées bien dallées qui serpentaient entre les massifs verts, le pépiement des oiseaux, le gargouillis d'une cascade, le reflet des rayons sur le lac, le parfum des fleurs, la chaleur du soleil sur sa peau...
Comme tout cela était agréable après cette interminable convalescence, ces fièvres et ces souvenirs glacés...
Non.
Il ne voulait plus repenser à Ossenkaheim. Il inspira une bouffée d'air chaud et se remit en marche. C'est alors que, tournant la tête, il aperçut deux silhouettes familières plus loin sur le chemin. Un mélange de colère et de dégoût l'écœura.
Haute taille et toge pastelle, Écodarix n'avait pas changé. Il se penchait au-dessus d'une femme nettement plus petite, drapée d'une robe scintillante.
Ada.
Écodarix lui parlait à grand renfort de gestes des mains et elle hochait la tête. Alors que Raerus songeait à s'approcher pour surprendre leur conversation, ils se séparèrent. Ada s'éloigna à pas pressés. Écodarix, lui, demeura immobile, comme profondément pensif. Puis il recula de quelques pas et s'assit sur un banc, à l'ombre, face au lac.
Raerus avait obtenu sur lui quelques informations intéressantes, ainsi que confirmation de certains soupçons, dans une des missives accumulées sur son bureau. Il s'agissait de la réponse à une lettre qu'il avait adressée à un ami, à Sortor, au lendemain de sa rencontre avec Écodarix. Ce courrier contenait des explications au sujet du nouveau général, ainsi que sur son propre prédécesseur Varius.
" Le général Varius a, depuis son retour dans l'Avant-poste, beaucoup fréquenté les sénateurs, lui indiquait ainsi son ami dans sa lettre. Puis il a été envoyé à la frontière nord, pour s'occuper des négociations avec les Barbares. En ce qui concerne le dénommé Barus Écodarix, on ne trouve personne de ce nom dans les registres de l'école des officiers. Par contre, en poussant mon enquête, j'ai découvert que le fils du sénateur Cassio avait été apprenti dans les temples du Zodiaque, plus précisément celui du Verseau. Mais il n'y est plus à présent, il a quitté ses fonctions il y a plus de huit mois sans explication concrète. "
Raerus reprit sa route, l'esprit agité de doutes. Tout cela confortait l'hypothèse d'une conspiration, mais encore une fois, ne lui apprenait rien sur sa nature. Il jeta un nouveau coup d'œil à Écodarix, qui n'avait pas bougé. Un ancien druide... devenu général. Raerus brûlait de lui ouvrir la boîte crânienne pour y déchiffrer tous les secrets entreposés. Que ne pouvait-il l'enlever et le faire parler, lui ou tout autre membre de la conjuration ! Il était finalement bien plus facile d'arracher des informations aux Sozyès qu'à son propre camp.
Toujours absorbé dans la contemplation des lentilles d'eau, les coudes sur les cuisses et le menton dans la paume d'une main, Écodarix ne tourna la tête vers lui que lorsqu'il fut tout proche. Ses traits concentrés se détendirent d'un sourire factice.
« Gouverneur Raerus ! Vous êtes enfin levé ? Quelle bonne nouvelle ! »
Il sembla à Raerus que sa voix se teintait d'une note ironique. Il lui renvoya une grimace incisive.
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Complainte d'une fresque oubliée
مغامرةUne terre, deux peuples. Un nouvel affrontement se profile entre Sozyès et Farles. Les premiers règnent sur presque tout le continent ; les seconds, venus de par-delà l'océan, entendent le conquérir. S'ensuit une lutte acharnée pour la domination d...