Le jour pointait à peine au-dessus d'Oxyana, frais et pâle. Debout à l'entrée de son établissement, l'aubergiste Oukou-Dah-Bango scrutait la route de part et d'autre. Il s'apprêtait à recevoir quelqu'un qu'il attendait depuis longtemps.
Il se pencha pour mieux distinguer une éventuelle silhouette parmi les ombres qui se désagrégeaient lentement. Non... personne encore. Mais cela n'ébranla pas sa confiance.
Il viendra. Et cela changera la face du monde.
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La fanfare avait résonné toute la matinée. D'abord rumeur lointaine et mal définie, elle s'était au fil des heures rapprochée de la capitale jusqu'à retentir tout près du palais. Les roulements de tambour s'accompagnaient de tintements bondissants, et de gémissements solennels. Nul doute que quelqu'un arrivait, et en grande pompe.
Cela n'en rendait les cours que plus insupportables. Assis à son pupitre, dans sa salle de classe, Fuzal n'en pouvait plus d'impatience. Il mourait d'envie de voir qui approchait ainsi, et de se mêler à l'effervescence de cette venue. Il se tortillait dans tous les sens et échangeait des signes avec ses sœurs et ses cousins, qui étudiaient à ses côtés. Ceux-ci partageaient son excitation et n'attendaient qu'une chose: sortir enfin.
Mais c'est seulement une heure après midi que le professeur les laissa aller, et tous cinq se ruèrent hors de la pièce.
« Vite, allons au salon du Sommet, jeta Fuzal. C'est juste à côté et on verra très bien ! »
Quelqu'un ricana derrière lui et il se retourna, coupé dans son élan. C'était Tzanado, le fils aîné de sa tante Mayola. Même s'il ne lui ressemblait pas physiquement, il avait hérité de sa morgue, de sa hargne et de sa soif de pouvoir. De plus, orphelin de père et ayant une chance quasi nulle de monter un jour sur le trône, il était à quatorze ans déjà amer et aigri. Il se rapprocha de Fuzal d'un air menaçant et siffla:
« Tu crois que tu as le droit de nous commander ? Juste parce que tu es l'héritier du trône ? (Il se redressa et ricana à nouveau.) Mais non, petit crétin. Moi, je ne vais pas t'obéir. Et avec moi, tu ne seras jamais tranquille. N'oublie jamais ça. »
Sur ce il lui tourna le dos et s'éloigna à grands pas. Fuzal essuya ses mains moites sur sa tunique et tenta de reprendre contenance devant ses sœurs et son second cousin.
« Il est jaloux, c'est tout, dit-il. Mais venez ou on ne verra rien. »
Ils se rendirent donc dans le salon du Sommet en question, qui tenait son nom de sa taille immense. Construit en étages, les murs habillés de tentures colorées et les colonnes, élégantes et innombrables, posées sur des socles en fleur de lys, il semblait s'étendre à perte de vue. De plus, il se prolongeait par un balcon monumental qui surplombait de quinze mètres les portes d'entrées du palais.
Les quatre enfants se mirent sur la pointe des pieds pour regarder par dessus la rambarde, et eurent le souffle coupé.
Un cortège entier s'approchait. A sa tête marchait une personne au crâne rasé, portant un grand drapeau blanc orné d'un caïman.
Derrière elle venaient une dizaine d'hommes à la peau noire, vêtus de cuir de buffle noir et montés sur des étalons noirs. Ils faisaient claquer de longs fouets pour repousser d'éventuels passants, même si tous s'étaient agenouillés au bord de la route.
Après eux s'avançait un groupe de jeunes gens sur des hongres palominos, chargés d'instruments de musique. Ils frappaient sur des tambourins, agitaient des maracas, entrechoquaient des cymbales, sifflaient dans des pipeaux; en un rythme martelé, cinglant et saisissant.
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Complainte d'une fresque oubliée
AventuraUne terre, deux peuples. Un nouvel affrontement se profile entre Sozyès et Farles. Les premiers règnent sur presque tout le continent ; les seconds, venus de par-delà l'océan, entendent le conquérir. S'ensuit une lutte acharnée pour la domination d...