La grille finit pourtant par bouger.
L'après-midi du troisième jour était alors avancé. L'espoir du succès d'Astayâr s'amenuisait, déclinait au rythme du soleil. Le Chasseur s'était-il perdu ? Pire, avait-il été pris ? Même si les perspectives s'assombrissaient considérablement, il fallait mener la mission à son terme. Nilani avait envoyé sa perruche, dans la matinée, auprès d'une amie à elle en ville. Puis elle s'était replongée dans ses cartes, à la recherche d'un autre moyen d'y pénétrer.
Fuzal déambulait plus loin dans le fossé en remâchant son échec des jours précédents. Olfiyûr enduisait sa jambe d'onguent et Shand-Zang, comme chaque fois qu'il avait du temps libre, perfectionnait son tir à l'arbalète.
C'est alors qu'une vibration parcourut le sol et un grondement sourd enfla. Fuzal sursauta, et comprit lorsque les regards joyeux de ses compagnons convergèrent vers la grille. L'obstacle s'ébranlait avec lourdeur.
Oh ! Il a réussi ! Enfin !
Tous rassemblèrent leurs affaires et Nilani, aidée d'Olfiyûr, alluma une lanterne. Ils se glissèrent sous la grille dès que sa levée le leur permit, et Fuzal retrouva l'égout humide avec une satisfaction inattendue. Olfiyûr éleva la lumière et cria :
« Astayâr ! Ça suffit ! Fais-la redescendre. »
La petite lueur sur le surplomb du mur bougea, et la silhouette du Chasseur se pencha sur eux. Il était toujours grimé en Farle et même s'il y était cette fois préparé, Fuzal peina encore à le reconnaître. Sans rien dire, l'homme retourna au volant que Fuzal avait échoué à manœuvrer. La grille redescendit avec un long grincement.
Puis il fallut l'escalader et prendre pied sur le surplomb. Fuzal répéta les gestes familiers et se rétablit à côté du Chasseur. Shand-Zang suivit, et aida Nilani puis Olfiyûr à se hisser.
Ce dernier s'adossa au mur gluant avec une grimace de douleur.
« C'est bon, souffla-t-il. Nilani, à toi de nous guider. Prends la tête. Vous vous souvenez tous du plan ? Quand nous serons au port, nous nous séparerons, et nous nous retrouverons chez... (Il regarda en direction de la jeune femme.) l'amie que Nilani nous a indiquée. Tu es sûre qu'elle est fiable ? »
Il n'avait cessé de répéter cette question les jours passés.
« Et vraiment, ce n'est pas une Farle ? » grogna Shand-Zang.
Nilani poussa un soupir agacé.
« Je vous l'ai déjà expliqué ! C'est une amie à moi, elle n'est ni Farle ni Sozyès. Elle vit à Sucodis depuis des années. Ça ne lui posera pas de problème de nous cacher le temps qu'on trouve comment entrer au palais du gouverneur. Au lieu de douter, vous vous rappelez bien comment vous rendre chez elle ? Nous serons séparés et je ne pourrai plus vous aider.
- Oui, oui, périphérie sud, quartier du Pigeon de Prêle, avenue soixante-cinq, villa trente-trois », ânonna Shand-Zang.
Fuzal n'avait pas mémorisé exactement ces informations, mais ne s'en inquiétait pas. Olfiyûr lui avait ordonné de rester avec lui une fois à Sucodis.
Shand-Zang s'étant lancé dans d'énièmes récriminations contre les Farles, Nilani fronça les sourcils :
« Ne te fais pas remarquer quand on sera en ville ! Tu vas tout gâcher. Déjà que tu es très connu... »
Elle le fixait avec scepticisme. Même si tous s'étaient dépouillés, depuis longtemps, de leurs ornements sozyès et avaient adopté des tenues neutres, le Fléau des Farles demeurait identifiable avec sa haute stature et sa peau noire. De plus, il ne s'était pas résolu à couper ses longs cheveux, se contentant de les ramasser en chignon. Il s'enveloppait dans une grande cape brune, de même qu'Olfiyûr qui ne pouvait guère dissimuler sa cicatrice faciale.
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Complainte d'une fresque oubliée
AdventureUne terre, deux peuples. Un nouvel affrontement se profile entre Sozyès et Farles. Les premiers règnent sur presque tout le continent ; les seconds, venus de par-delà l'océan, entendent le conquérir. S'ensuit une lutte acharnée pour la domination d...