Eljad se sentait suffoquer, serré à la gorge par un étau puissant. La bouche ouverte pour happer un peu d'air, il se retourna vers la petite fenêtre et agrippa les barreaux. La cour où il se tenait encore un instant plus tôt était déserte ; lumineuse et inaccessible.
Je suis fait comme un renard dans son trou ! Le premier qui passera par là verra que la porte est fermée et que ce n'est pas normal... Je suis bon pour les cachots !
Il sombra de longues secondes dans un désespoir amer, avant de se ressaisir. Kazhem ne se serait pas laissé abattre. Il aurait retourné les choses en sa faveur, et, tant qu'à faire, aurait sans doute commencé par fouiller cet endroit. Eljad appuya son javelot contre un mur et ouvrit un coffre. Il contenait des châles, des tuniques et d'autres vêtements de moine. Eljad rabattit le couvercle, désappointé, et s'approcha du pupitre placé tout près de la fenêtre condamnée. Parmi le fatras de documents, un gros tas de parchemins reliés par le haut attira son attention. Il l'ouvrit au hasard.
" Il nous a été rapporté, d'après Taraoh Œil-de-Hibou, que Sah-Sah le Navigateur Prudent, du village de Yolam, au nord-ouest de Salasala, est parti accompagné de son fils de sept ans pour chasser les chauve-souris dans les grottes côtières. Ils n'en sont pas revenus et leurs corps n'ont pas été retrouvés. Cela s'est passé au cours du onzième mois de l'année passée. "
Eljad parcourut encore quelques pages, toutes couvertes d'histoires similaires. Visiblement, les Sozyès souffraient d'un très grave problème de disparitions et de meurtres inexpliqués. Cela n'intéressait cependant pas Eljad. Il poursuivit sa fouille.
Mais ses efforts demeurèrent infructueux. Rien de ce qu'il découvrit ne lui parut vraiment utile. Il revint au centre de la pièce et gratta son collier de barbe, très déçu ; avant de réaliser une chose qui l'avait troublé à son entrée sans qu'il n'ait à ce moment mis de mots dessus. Il n'y avait pas de lit dans cette salle. Où dormait donc le moine ? Le regard d'Eljad s'arrêta sur la planche posée dans un coin, à même le sol.
Est-ce qu'il dort là-dessus ? Il pourrait avoir la couche la plus moelleuse de toute la région et il dort sur une planche ? Il n'ont pas toute leur tête, ces moines, je ne les comprendrais jamais !
Il se détournait avec dérision quand une idée fulgura dans son esprit tel un éclair révélateur. Il se précipita et souleva la plaque de bois. Plusieurs feuillets se trouvaient dissimulés là.
Eljad les rafla, preste et avide. Leur contenu fit résonner en lui un fracas de tambours et de cors de guerre. Ces informations-là étaient importantes. Même lui, un simple poète, réalisait leur portée. Alors que dire d'un chef militaire comme son frère Attia ? Ce dernier saurait les exploiter de façon magistrale. Il fallait l'en informer au plus vite. Habitué à mémoriser les vers, Eljad n'eut aucun mal à graver ces secrets dans son esprit, avant de tout remettre en place.
C'est alors que l'on frappa à la porte. Eljad tressaillit de tout son corps, traversé d'un élan de frayeur qui lui hérissa les poils. Il se releva et attrapa son javelot. Une voix lui parvint, assourdie :
« Il y a quelqu'un ? »
Un silence suivit, puis, tout à coup, la porte se mit à monter. Fasciné, Eljad la regarda disparaître, happée petit à petit par le chambranle supérieur. Puis il rabaissa les yeux, et la première chose qu'il vit alors fut un arc bandé et une flèche braquée sur lui. Les mains crispées sur l'arme étaient mates, au bout de bras serrés dans les manches d'une tunique noire aux arabesques dorées. Le visage qui se trouvait au-dessus était jeune, celui d'un garçon d'une quinzaine d'années. Ses pupilles obscures au milieu d'iris très verts évoquèrent à Eljad un danger tapi au fond de la jungle.
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Complainte d'une fresque oubliée
AvventuraUne terre, deux peuples. Un nouvel affrontement se profile entre Sozyès et Farles. Les premiers règnent sur presque tout le continent ; les seconds, venus de par-delà l'océan, entendent le conquérir. S'ensuit une lutte acharnée pour la domination d...