I. 8.

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Chapitre 8 : La beauté d'un homme dissimulée dans ses songes

ARIETA

Je me réveillai par moi-même, quelques rayons du soleil levant perçant à travers le volet de la maison. L'un d'eux m'éblouit, mon corps décréta que mon sommeil avait assez duré. Je portai la main devant les yeux et me souvins que cela ne servait à rien : sans ombre, on ne peut pas vraiment s'abriter de la lumière. Fichu instinct primal.

Doucement, je m'étirai, retenant un gémissement. Toucher les extrémités du canapé me rappela où je me trouvais et que je n'étais pas seule. Je tournai la tête avant d'entrouvrir les mirettes et de contempler celui qui me faisait face, encore parfaitement endormi.

Affalé dans le fauteuil, Bruno avait décidément besoin de récupérer. Nous avions passé une bonne partie de la nuit à discuter, j'étais encore partie dans une comparaison sur les étoiles quand je remarquai qu'il s'était assoupi en m'écoutant. Il n'avait pas vraiment changé de position, si ce n'était que sa bouche était à présent grande ouverte, à cause de la position assise qui tirait la mâchoire vers le bas. Il respirait un peu plus fort, bercé par quelques songes, deux rats avaient trouvé refuge dans le creux de son cou. Je n'avais pas eu le courage de le réveiller : il aurait été affreusement gêné. Je ne voulais pas qu'il le soit : pas avec moi.

Il eut le temps de me raconter ses histoires de famille, sa vie de solitude... Pourtant, contrairement aux hommes qui pourraient développer de la rancœur pour le monde qui l'entoure, lui, il débordait de gentillesse. Et là, si paisible... Je ne pouvais m'empêcher de trouver cela attendrissant. Non, en réalité, le mot qui me venait à l'esprit, c'était « beau. » Pas sur le plan physique, enfin, pas uniquement. Je ne le trouvais pas repoussant, loin de là, mais il demeurait tellement soucieux, préoccupé par le bien-être de son entourage... C'était sa personne qui était belle, car il s'évertuait à voir ce qu'il y avait de bon en chacun.

Bruno me faisait rire aussi, ses réactions étaient parfois surprenantes et inattendues. Cette légèreté, tout en s'appliquant à suivre mes discours ennuyeux (je savais pertinemment que j'étais assommante, inutile de le cacher.) et à le ponctuer de ses interventions. J'étais trop sérieuse, il me déridait. Trop structurée, il me sortait de ma zone de confort. Il me plaisait beaucoup, il me donnait envie de vivre réellement comme les autres gens. Je me voyais, l'espace d'un instant, rentrant de mon labeur que je ne parvenais pas encore à définir, le retrouver le soir et... l'écouter, le laisser me faire sourire pour oublier les tracas de ma journée.

Malheureusement, je rêvais. J'étais consciente que je n'aurais jamais cela : je n'en avais pas le droit. Ma peine à perpétuité, c'était la fuite et rester nomade jusqu'à la fin de ma vie.

Madre de dios, j'étais en train de brûler pour lui, quelle torture !

Il fallait que j'arrête de le contempler, s'il se levait et qu'il me découvrait, je... Il ne valait mieux pas y penser. Je me levai doucement de mon lit de fortune et me dirigeai en silence vers la cuisine : je venais de me rendre compte que j'avais la gorge sèche. J'avais besoin de boire.

— Voyons, murmurai-je pour moi-même, si j'avais autant de placards, où rangerais-je les verres ?

Je n'avais pas regardé où on avait entreposé la vaisselle, après le repas. C'était bien ma veine. Heureusement, j'avais oublié que cette maison était aussi magique que les personnes qui y vivaient. Le bon placard s'ouvrit devant moi, me laissant me servir allègrement.

— Merci, dis-je, j'admets que c'est plutôt pratique.

Je me servis, but quelques gorgées et, là, l'armoire sous l'évier se mit à grincer. Je reculai et les portes s'ouvrirent complètement à leur tour. Si c'était un message, je ne le comprenais pas. Quel était l'intérêt de cette maison à me montrer la plomberie ? Quelques outils roulèrent du coin d'un plancher à mes pieds.

Entrelacs Verts ÉmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant