4. Et là, s'adossant au mur près de la porte, elle se laissa tomber
BRUNO
La foule rugissait, face aux DeVidrio et aux autres membres de ma famille. Arieta, seule en avant, toujours dissimulée sous le voile, recevait toutes les insultes. En silence, elle endurait les pires mots qui pouvaient sortir de la bouche d'inconnus.
Cela me rappela ma propre torpeur, celle que j'avais souhaité fuir il y a des années. Ari ne fuyait pas, elle. Elle était forte, bien plus forte que je ne le serai jamais, probablement. Comment pouvais-je penser un seul moment à... Non ! Je devais arrêter de me comporter ainsi. Je voulais l'aider, il me fallait agir en conséquence, cette fois. Terminé la lâcheté, enfin... J'allais au moins essayer, quoi.
La tutrice des jumeaux remarqua que nous étions sortis malgré son avertissement, elle fit les yeux ronds pour nous faire reculer. Sofía et Esteban avancèrent encore, redoutant ce qui pourrait se passer. Ensuite, à mes côtés, Isabela fulminait sans raison contre ces gens, de même que Mirabel et Camilo. Luisa était derrière nous, mais elle ne faisait que passer la porte et on se doutait qu'elle s'approcherait davantage.
— Rentrez, les jeunes, ordonna Arieta. J'ai dit que j'allais m'occuper de cela...
— Mais... tenta Isabela.
— Rentrez, je vous dis ! hurla cette fois la bonne sœur avec un air furieux. Ne sortez pas avant que je revienne.
Je n'avais jamais vu autant de détermination dans le regard de l'inventrice. Cette façade d'autorité exagérée dissimulait sa peur, la peur de nous voir touchés. Tout le monde obéit, à contrecœur, certes, mais ils rentrèrent. Tous, sauf moi.
Je me plaçai à ses côtés, essayant tant bien que mal de conserver un air nonchalant. En réalité, j'avais juste envie de m'enfuir le plus loin possible, mais je n'en démordis pas.
— Avant que tu ne me disputes, indiquai-je, je tiens à dire que je suis plus âgé que toi. Et tu as dit « les jeunes, » alors...
Arieta ne répondit pas, mais elle me poussa violemment, me forçant à faire deux pas en arrière. Je compris bien vite pourquoi : une pierre venait de nous être lancée. D'accord, ces personnes ne plaisantaient pas.
Un homme plutôt grand et maigre se détachait du groupe, il portait une bure également. C'était donc le curé du village, à moins qu'il n'aimât se déguiser à la mode « Arieta Astillas DeVidrio. »
— Tes disciples et toi n'êtes pas les bienvenus ici, Teresa ! déclara l'homme.
Commença la répartie à droite de mon amie qui fit brillamment face aux remontrances.
— Quand on est poli, mon père, on commence par un charmant bonjour, déclara Ari. Ensuite, rassurez-vous tous, je ne suis pas ici de gaieté de cœur. Et enfin, mon titre, c'est hermana Teresa, pas Teresa.
— Une sorcière ne peut être une femme d'église, cracha-t-il.
— Que vous dites. Qu'en déduisez-vous, alors ?
Les paroissiens maugréèrent en arrière-plan. Ils ne croyaient pas en la vocation d'Ari, alors à quoi bon faire semblant ? C'était clairement un aveu à ces villageois qui la huèrent. Sans même y réfléchir, quitte à en subir les conséquences ensuite, je pris la main d'Arieta. Elle sursauta en regardant nos doigts, aussi surprise que moi de mon geste.
— Je ne les laisserai pas te faire du mal, me prévint-elle.
— Et je refuse de te laisser seule face à cela, n'en démordis-je pas.
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Entrelacs Verts Émeraude
FanfictionDans un moulin abandonné depuis quelque temps déjà s'était installée une curieuse femme et deux ados. Les nouveaux venus étaient rares à Encanto, mais les femmes qui ne possédaient pas d'ombre étaient plus rares encore ! Et qu'elle montre un intérê...