5. Si tu te livres, acceptes que l'on t'attache, pour la sécurité de tous
MARCO
Je peinais à la reconnaître, les cheveux courts, fouettant son visage sous ce vent presque violent. Ce ne fut que lorsque j'arrivais au plus près d'elle, qui se tenait droite devant un vieux moulin, que je vis ses yeux d'un vert iridescent. Nous avions pris de l'âge, mais il s'agissait toujours de cette même lueur dans le regard, la lumière du vice. Arieta Astillas DeVidrio.
Astillas DeVidrio, le nom que je portais aujourd'hui. Quand on me demanda d'être adulte, je pris avec plaisir le patronyme de celle que j'appelais, à l'époque, ma sœur. Nous rajoutâmes, ensemble, « Astillas » pour désigner les éclats de verres : nos vies brisées, détachées, rapiécées, mais qui demeuraient toutefois éclatées*. Désormais, je portais son nom maudit, ainsi qu'une toute autre part de sa malédiction.
— Tu ne fuis même pas ? rétorquai-je en la regardant du haut de ma monture.
La femme peinait à rester impassible. Elle ne pouvait pas me cacher quoi que ce fut : nous nous connaissions depuis vingt ans. La tristesse transparaissait sur son visage. Venait-elle de rendre les armes, vraiment ?
— La moindre des politesses, quand on ne s'est plus parlé depuis autant de temps que nous, Marco, c'est de dire bonjour.
Pas si placide que cela, en fait.
— C'est Père Marco, pour ta gouverne, lui rappelai-je.
— Pour moi, tu seras toujours le petit Marco, décréta-t-elle d'une voix mielleuse qui me donna envie de vomir. Tiens, Père Carlos, vous ici ?
Elle dévisagea l'autre prêtre qui nous accompagnait depuis le hameau de Santa Obsacúlo. Cet homme avait lourdement insisté pour nous accompagner. Il brûlait d'un feu vengeur, le même que le mien, à peu de choses près. Nos avis divergeaient, mais je ne pouvais qu'abonder en son sens quant au danger que cela représentait de laisser cette femme en liberté.
— Comme on se retrouve, sorcière ! lança l'homme d'Église.
— Encore le mot en « S, » maugréa Arieta. L'originalité n'a jamais été votre fort, n'est-ce pas ?
— Où sont les enfants ? insista l'homme.
Oui, les enfants. Je ne les avais jamais véritablement rencontrés, mais je me souvenais de leur existence. On m'avait raconté qu'elle était accompagnée par des jumeaux, depuis quelques années. Le Père Carlos pensait qu'ils étaient emparés d'une malédiction, eux aussi. Toutefois, s'en prendre à des enfants... Cela me répudiait : moi-même, j'avais été un enfant tourmenté, alors l'idée de faire subir le même sort à l'un d'eux me dégoutait.
Arieta se tourna vers moi et avança de deux pas. Si elle me craignait, moi et mon influence sur les humains, ce n'était plus le cas. Je pensais qu'elle me détestait, mais je ne vis aucune trace de haine dans son regard. Ça aurait été tellement plus facile.
— Tu ne vas même pas te défendre ? m'enquis-je.
— Me défendre ? Pourquoi lutter ? discourra-t-elle d'une voix triste. Je pourrais encore traverser l'océan que tu me poursuivrais simplement pour te prouver que m'éliminer est salvateur pour l'humanité. Tu me pourchasserais n'importe où, Marco. Toutefois, il est vrai, je suis venue négocier.
— On ne passe pas de traité avec une diablesse, persiffla l'autre prêtre.
Des murmures se firent dans mon dos. Mes hommes, mes ouailles, mes disciples... Certains de ces apôtres de fortune me suivaient depuis des années, malheureusement dès que cet énergumène s'était immiscé dans ma traque, ils se mettaient à contester mon autorité.
VOUS LISEZ
Entrelacs Verts Émeraude
FanfictionDans un moulin abandonné depuis quelque temps déjà s'était installée une curieuse femme et deux ados. Les nouveaux venus étaient rares à Encanto, mais les femmes qui ne possédaient pas d'ombre étaient plus rares encore ! Et qu'elle montre un intérê...